Eduquer au don

Réflexion sur la générosité avec les éléves.

Partons des préalables si classiques : le don est un acte « charitable » qui appellerait à un contre-don et ne serait que la moitié d’un échange. Le don serait un geste déséquilibré où celui qui reçoit est déprécié comme l’énonce ce proverbe africain « la main qui donne est toujours plus haute que celle qui reçoit » et où celui qui donne soulagerait sa conscience « troublée et culpabilisée ».

Ainsi don et éducation au développement sont à priori contradictoires, voire antinomiques. Alors doit –on refuser l’engouement des élèves pour la Rentrée Solidaire « Un cahier, un crayon » quand on note que la moitié des dons de matériel scolaire viennent du milieu scolaire ? Il ne faudrait pas que cette générosité d’enfant à enfant, ce premier geste certes, symbolique voire affectif, mais à portée solidaire et citoyenne, soit étêté par cette décrédibilisation, ce pessimisme autour du don. Croire que l’activisme des jeunes se résume à de la simple « bonne volonté » reviendrait à caricaturer la jeune génération comme certains dénoncent trop facilement leur manque de civisme.
Il est vrai que les enseignants doivent souvent faire face à l’élan de générosité des jeunes, parfois source de gestes caritatifs non réfléchis qui peuvent aller à l’encontre des principes de l’éducation au développement. Mais les jeunes et les élèves ont aussi besoin d’engagement. Trop souvent, ils vivent la situation mondiale de façon passive, sont confrontés aux images des inégalités qui les renvoient à leur impuissance. Alors comment lier éducation et engagement, quand l’action comme ici est ponctuelle ?

Nous pensons que la collecte peut être un premier pas dans l’engagement de ces jeunes, le don peut avoir un intérêt, une résonance pédagogique si ce geste prépare aux engagements ultérieurs, si celui ci est concrètement relayé en classe par une leçon, un débat, une mise en réflexion.

Aller plus loin que l’émotion

Et pourquoi ne pas aborder d’abord le don dans sa dimension affective, pour ensuite mieux le conscientiser ? Passer par la phase de « sensibilisation » pour entrer dans « l’action éducative » (Termes du B.O) ? Tous les enfants en début d’année apprécient les achats de fournitures, l’écriture des premiers titres sur les cahiers neufs, n’est-il pas là un moyen de leur faire réfléchir sur le sort d’autres écoliers qui aimeraient avoir cette chance ? (La question du don de matériel nécessairement neuf trouve aussi ici son écho). C’est là qu’il est alors important d’aller plus loin qu’émouvoir.

La réflexion sur le don et ses ambiguïtés peut aussi être un sujet de travail en classe car tout geste vers l’extérieur comme celui de donner doit être réflexif, doit passer par une phase de réflexion intérieure afin de dépasser la simple émotion. Faire comprendre aux élèves que le don n’est pas du développement, qu’il ne doit être qu’une étape courte et bien intégrée dans un large processus de développement est aussi un moyen de leur donner des clés de réflexion pour plus tard et de leur permettre de se replacer dans un action globale où il est important de rendre l’autre acteur de son développement. Leur « don » individuel s’insère anonymement dans une action collective d’aide au développement, comme l’élève apprend à se situer dans la communauté éducative, le futur citoyen dans la société. (…)


Carole Coupez. Solidarité Laïque. Déléguée aux actions d’Education au Développement et à la Solidarité Internationale. Extrait de l’article de La Lettre de Solidarité Laïque n°53, Septembre 2004.

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