« Il est urgent de travailler avec les sociétés civiles pour construire la paix »

« Il est urgent de travailler avec les sociétés civiles pour construire la paix »
Interview exclusive de Valérie Huguenin Responsable-adjointe de la Division du Partenariat avec les ONG (DPO) à l’Agence Française du Développement.

Le MAE et l’AFD  accordent leur confiance à Solidarité Laïque depuis quelques années déjà en finançant des programmes concertés et pluri-acteurs (PCPA). Quelle est la plus-value ou la spécificité de ces programmes en matière de développement ?

 

Valérie Huguenin : Quand ils ont été conçus en 2002, par le MAE, ces programmes visaient à mettre en place un nouveau type de partenariat entre le Nord et le Sud. Plus équilibrés, basés sur la co-décision et la co-responsabilité, ils permettent de construire ensemble un programme d’action et de plaidoyer autour d’une thématique choisie de concert : la jeunesse au Maroc, la lutte contre les exclusions en Tunisie , les droits de l’enfant en Europe de l’Est, etc. Ils visent globalement le renforcement des capacités internes des sociétés civiles et leur capacité de plaidoyer et de dialogue avec les pouvoirs publics, en vue de contribuer aux politiques publiques.

 

La spécificité de Solidarité Laïque est de travailler avec les sociétés civiles en contribuant à leur renforcement. Dans quelle mesure la société civile est-elle une clé pour créer les conditions du développement ?

 

VH : Ce type de programme part du constat simple que pour mobiliser les populations sur le développement de leur pays, il n’y a pas mieux que de faire avec les organisations de la société civile (associations, syndicats, coopératives, organisations informelles…). C’est en travaillant avec elles, en leur permettant de partager leur diagnostic, leurs savoir-faire et leurs solutions que l’on peut envisager de résoudre des problématiques telles que le chômage, la déperdition scolaire, ou le désintérêt d’une classe d’âge pour le politique. Sur des sujets aussi importants et qui traversent toutes les strates de la société, ni les pouvoirs publics, ni les bailleurs, ni les entreprises, ne peuvent changer seuls ces situations. Le dialogue est une des conditions d’un changement durable au service du développement.

 

Ces programmes que vous soutenez développent aussi une culture de la concertation. Peut-on dire qu’ils contribuent au renforcement des démocraties, voire à bâtir les conditions pour mieux vivre ensemble ?

 

VH : Oui, en effet, l’expérience montre que les PCPA sont des laboratoires de dialogue, notamment dans des pays qui, comme en Tunisie, sortent de plusieurs décennies de dictature. Cela prend du temps mais on observe à chaque fois que de nouveaux réflexes s’instaurent : les acteurs prennent confiance en eux, découvrent leur légitimité à interpeler les pouvoirs publics et à contribuer aux politiques publiques et mesurent combien il est important pour cela de s’organiser, de se concerter pour gagner en légitimité.  La dynamique collective   qui se construit alors est irremplaçable et est une manière très concrète de bâtir ce « vivre ensemble », tellement mis à mal aujourd’hui ! En Tunisie par exemple, dans le cadre du PCPA franco-tunisien « Soyons actifs, soyons actives », à travers l’engagement de tous les acteurs,  c’est progressivement une démocratie locale participative qui peut se construire. C’est  aussi une  façon de lutter contre les mouvements extrémistes, mais aussi contre le désintérêt des populations pour la chose politique, le repli sur soi et les frustrations, en privilégiant la proximité avec les populations et le territoire pour gagner ensuite l’échelle nationale.

 

L’autre aspect de ces PCPA est de renforcer le dialogue Nord-Sud et la dimension de réciprocité. Une nécessité aujourd’hui ?

 

VH : Cette dimension universelle est valable à toute époque mais il est vrai qu’il y a urgence aujourd’hui,  à l’heure du repli sur soi et des communautarismes qui se développent au Nord comme au Sud. Les PCPA sont en cela irremplaçables :  ils sont un facteur d’apprentissage des différences et contribuent concrètement à la lutte contre les racismes. Des jeunes qui partent au Mali aider à reconstruire une école, de jeunes Tunisiens qui viennent en France se former pour devenir animateurs, ce sont autant de personnes qui appréhendent des réalités différentes, reçoivent des autres et mesurent ce qu’ils peuvent eux-mêmes apporter.

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