À quels défis liés au droit à l’éducation êtes-vous confronté au Bénin?
L’éducation, c’est le socle du développement ! C’est l’éducation d’abord, même avant la santé car lorsque l’on est bien éduqué, on peut prendre sa santé en charge.
C’est important que les acteurs de terrain puissent être entendus. Nous avons la chance au Bénin d’avoir un gouvernement qui nous écoute et un Président qui a d’énormes objectifs en matière d’éducation. Le taux net de scolarisation a été amené à 94%. Mais il reste un effort à faire sur le maintien des enfants dans le système formel. Il y a trois ans, l’état a repoussé l’âge de l’éducation de base obligatoire de 14 à 18 ans, jusqu’à la terminale. Il faut accompagner cette décision pour qu’elle soit vraiment effective.
En tant qu’acteur de la société civile, nous demandons aussi la réouverture des écoles de formation des enseignants du primaire. La formation initiale et la formation continue sont indispensables pour un véritable enseignement de qualité au Bénin.
La complémentarité entre éducation formelle et éducation populaire est indispensable. Comment renforcer cette vision holistique de l’éducation?
L’éducation est transversale, c’est la base de tout, ce n’est pas que l’école. Il y a également la question du changement de comportement, de la citoyenneté. Ne voyons pas l’éducation uniquement à travers le cadre scolaire. D’ailleurs, les associations d’éducation populaire ne sont pas que dans les écoles mais aussi dans les milieux populaires.
C’est très important de travailler à la fois sur l’éducation formelle et non-formelle dans la mesure où nous avons affaire à des cibles différentes : ceux qui sont à l’école et ceux qui sont déscolarisés, ceux qui sont sortis très tôt de l’école. Quand on est une structure d’éducation comme le CAEB, on ne peut pas dissocier le formel et le non-formel ; nous avons les compétences pour intervenir dans les écoles et en dehors.
Développement de la petite enfance à Sri Lanka, éducation formelle en Haïti, éducation populaire des jeunesses méditerranéennes, alphabétisation des adultes en Afrique de l’Ouest…
Découvrez d’autres actualités dans notre Lettre “Le droit à l’éducation, c’est toute la vie !”
Comment prenez-vous en compte l’évolution des besoins en matière d’apprentissage au cours de la vie?
Dans nos milieux ruraux, il y a très peu d’espaces pour encadrer les enfants qui ne sont pas encore à l’école. La maternelle est considérée comme un luxe. Mais qu’est-ce qui se passe avant 3 ans ?
Pour nous au CAEB, l’éducation commence quand l’enfant est encore dans le ventre de sa mère. Nous avons lancé un programme de lutte contre la malnutrition infantile pour que les enfants soient mieux nourris avant d’arriver à l’école et sensibiliser les parents sur le développement cognitif de l’enfant.
Nous avons aussi mis en place des laboratoires d’apprentissage pour des jeunes et des adultes qui viennent se former ainsi qu’un réseau de centres de documentation qui accueille chaque année plus de 2 millions de visiteurs de la maternelle à l’université. Quand les enfants ne sont pas à l’école, ils peuvent s’y rendre pour avoir un accès gratuit à Internet, se cultiver, lire, apprendre des langues, faire leurs devoirs ou participer à des loisirs éducatifs (clubs de lecture, de théâtre, de dessin, etc.).
Nous allons aussi au contact des jeunes pour les former sur les thématiques d’éducation à la citoyenneté et de promotion de la culture de la paix, pour prévenir les actes d’incivisme, de violences et de terrorisme auxquels nous faisons face aujourd’hui.
Même dans le public, l’éducation formelle a un coût. Comment lutter contre le décrochage scolaire?
Nous luttons contre l’exclusion. Dans nos milieux ruraux, dans nos villes, il y a des parents sans moyens. Nous accompagnons un programme de promotion de l’excellence en milieu scolaire pour permettre à environ 1 000 enfants et jeunes de poursuivre leur cursus scolaire.
Nous disons « l’école doit être gratuite » mais il n’y a que l’exonération des frais scolaires, ce n’est qu’une partie de la gratuité. Le parrainage éducatif, en lien avec Solidarité Laïque depuis 1992, comble un peu ce vide car les parrains et les marraines soutiennent les enfants du début à la fin de leurs études. Si vous saviez le service que cela rend aux enfants !
Je dis toujours que s’il n’y a pas de changement, ce n’est pas la peine de mener des actions. Avec le parrainage, nous sommes témoins des réels changements bénéfiques ! Pas plus tard qu’hier, j’ai reçu une ancienne parrainée, aujourd’hui professeure de lettres au collège et au lycée. Elle est prête à retourner l’ascenseur, autrement dit, à parrainer un enfant à son tour. C’est aussi ça l’éducation tout au long de la vie.
Le plus important ce ne sont pas les difficultés mais les alternatives que l’on trouve pour les pallier.
Quels liens faites-vous entre éducation et employabilité?
L’éducation, c’est depuis le berceau jusqu’à la tombe ! Dès la naissance, on apprend à distinguer les couleurs, à marcher, à parler… et c’est comme ça jusqu’à la mort. L’apprentissage, c’est à chaque étape de la vie.
Du primaire au secondaire, du secondaire à l’université, les jeunes ont besoin d’acquérir d’autres compétences pour aller sur le marché de l’emploi.
C’est d’ailleurs ce que j’apprécie avec les Laboratoires d’Innovations Sociales (LABIS) créés à travers le programme Compétences Pour Demain (CPD) de Solidarité Laïque. Au CAEB, nous recrutons régulièrement des jeunes du LABIS en tant que stagiaires. Ils sont rémunérés, apportent leurs connaissances et continuent d’apprendre, ce qui permet un véritable échange de compétences entre nos deux structures.
Même une fois que l’on a trouvé un emploi, il faut sans cesse actualiser ses connaissances. Le monde est en perpétuelle mutation ! En tant qu’êtres humains, nous ne pouvons pas rester en marge. Aujourd’hui, tu es tenu d’apprendre ; si tu n’apprends pas, tu es en retard !
L’éducation tout au long de la vie, ce n’est pas un luxe mais une nécessité.
, retour à Madagascar !