En lien avec différentes associations, Solidarité Laïque participe à plusieurs projets qui permettent aux jeunes de davantage participer aux questions qui les concernent. Quels sont les freins identifiés à cette participation ?
Il faut le rappeler, le droit à la participation est un droit affirmé par la Convention internationale des droits de l’enfant. Ce n’est pas une option, c’est une obligation ! Nos politiques publiques doivent permettre aux jeunes de prendre davantage part aux décisions qui les concernent. Or, les gilets jaunes soulignent un malaise démocratique qui est palpable aussi chez les jeunes : certains ne se sentent pas concernés ou plutôt, certains ont l’impression que leur avis ne compte pas. A nous, en France, de changer la donne en montrant que leur avis compte et qu’ils ont le pouvoir d’agir. Un récent sondage montrait que, contrairement à ce que l’on pense, les jeunes ont soif d’engagement, mais que souvent ils ne trouvent pas les leviers pour agir. L’envie de participer à un débat, de lever la voix, c’est quelque chose qui nécessite parfois un accompagnement. C’est ce qu’on remarque au sein du Collège des enfants et des adolescents du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA), qu’accompagnent le Scoutisme Français, l’ANACEJ et le Collectif Agir Ensemble pour les Droits de l’Enfant (AEDE) dont Solidarité Laïque est une des associations co-coordinatrices.
Justement, comment on arrive à constituer un tel collège d’enfants et d’adolescents ? Quelles sont les motivations des jeunes qui en font partie ?
Dans le cadre du Collège des enfants et des adolescents, les enfants y ont trouvé un espace où s’épanouir et où exprimer leurs avis sur des sujets qui les touchent. Au fil de l’évolution de leur mandat, on les a vu prendre confiance en eux, oser prendre la parole au milieu des adultes, avec de plus en plus d’aisance. Nous les avons appuyés formés et soutenus. Aujourd’hui, les déterminismes sociaux sont si forts font que certains pensent être moins légitimes à prendre la parole. Pourtant, ils souhaiteraient être écoutés ! II est donc urgent de modifier les pratiques pour enfin recueillir la parole de tous les jeunes. Cet effort est nécessaire pour leur transmettre les clés pour s’émanciper. Sans cela, les débats ne permettront jamais d’entendre les enfants et les jeunes les plus éloignés des espaces de parole et l’espoir d’un débat démocratique juste est voué à l’échec.
L’abstention aux élections chez les jeunes est très élevée. Comment l’expliquer ? Quels remèdes peut-on proposer ?
On propose aujourd’hui aux jeunes une citoyenneté par intermittence : il faut aller voter et pendant 5 ans on ne leur demande plus trop leur avis. Or, la démocratie c’est quelque chose qui se cultive. Les jeunes ont un véritable rôle à jouer pour la revivifier. Encourager leur participation serait un levier très efficace pour renforcer l’implication des jeunes dans la vie démocratique. Mais cette abstention s’explique aussi par le fait que les jeunes sont pleinement victimes de la précarité en France. Le Défenseur des droits le souligne : encore beaucoup de jeunes ne mangent pas à leur faim, sont mal logés, ou à la rue. Difficile dans ces conditions de se projeter dans l’avenir de son pays. Pour un plein exercice du droit à la participation, il faut que les droits de ces jeunes soient respectés et qu’il y ait un même accès aux droits fondamentaux partout sur le territoire, quels que soit sa nationalité, sa couleur de peau, son sexe.
On voit aujourd’hui des jeunes à travers le monde, en Guinée, en Suède prendre la parole et agir. Est ce que cela souligne une évolution vers plus de prise en compte de leurs paroles ?
Oui, il y a des icônes qui émergent, des leaders qui portent la voix des jeunes. Greta Thunberg en Suède s’adresse aux générations d’aujourd’hui et appelle à leur responsabilité envers les générations futures. Elle prouve que les jeunes ont un message à faire passer et qu’il faut les écouter. En Guinée, Hadja Idrissa Bah se bat contre les violences faites aux jeunes femmes. Il faut une force inouïe pour parler de ces sujets-là à voix haute. Nous portons la responsabilité de créer les conditions pour que ces leaders d’opinion se multiplient, que les jeunes se sentent légitimes pour s’exprimer, pour exiger, car ils sont de véritables vecteurs de changement.
Elena Etrillard, chargée de mission droits de l’enfant
A propos de l’engagement de Solidarité Laïque pour la participation des jeunes :
Au delà de ses actions d’éducation à la citoyenneté, Solidarité Laïque co-coordonne le collectif AEDE qui rassemble plus de 50 organisations engagées dans tous les domaines de l’enfance en France. En 2017 lors des élections présidentielles, le collectif publie un livre blanc qui rassemble les préoccupations de 730 enfants.
Solidarité Laïque participe également au Groupe Enfance de la Coordination Humanitaire et Développement, regroupant 13 ONG engagées pour les droits de l’enfant à l’international mobilisées en faveur de l’effectivité des droits de l’enfant en France comme à l’international.