De Paris à Ouagadougou, de Dakar à Port-Au-Prince, de Tunis à Porto-Novo, nos équipes s’expriment sur le sujet. Découvrez leurs témoignages militants, entre espoir et désillusions.
« La religion et la protection des femmes sont des prétextes pour mieux nous dominer.
À l’école, à l’église, au travail, dans la rue… En Haïti, les discriminations et les préjugés à l’égard des femmes sont omniprésents. D’un point de vue religieux, en référence à Eve, la femme est à l’origine du malheur.
Sur le plan social, on nous minimise. Sous prétexte de vouloir nous protéger, on nous limite et on nous domine.
Même dans la musique, on nous dénigre, on nous présente comme légères, faciles et sans pudeur. On va même jusqu’à faire l’apologie des agressions sexuelles, en musique ! »
« On te fait croire que tu es fragile, sensible, que tu n’y arriveras pas seule.
L’insécurité en Haïti est encore plus forte quand tu es une femme, on te fait encore plus sentir ta vulnérabilité. Si tu te fais violer, on te demande tout de suite “tu étais habillée comment, tu étais à quel endroit, à quelle heure ?”. Quoiqu’il arrive, tu dois aussi porter le poids de la responsabilité.
Dans les pensées, les femmes sont libres mais dans la pratique, elles sont brisées, bafouées, avec de graves conséquences sur leur santé mentale.
Certains hommes, sans doute par peur de se sentir inférieurs, nous considèrent comme des rivales. Pourtant, hommes et femmes, nous sommes condamnés à cohabiter. Et tant mieux car nous sommes complémentaires. »
« Je veux que mes droits soient respectés !
Au cours de mes études, j’ai dû insister et résister pour poursuivre le cursus que j’avais choisi, parfois même face à des professeurs qui n’acceptaient pas qu’une fille assiste à leurs cours.
Heureusement, ma mère m’a poussée. Elle n’a pas pu faire d’études, je voulais aussi y arriver pour elle et surtout ne pas reproduire le schéma patriarcal qu’elle a subi. »
« Il faut travailler sur les consciences : éduquer les hommes pour qu’ils arrêtent de minimiser ou d’invisibiliser les femmes et apprendre aux filles qu’elles ont de la valeur.
Les pères doivent réaliser que leurs filles ont besoin d’amour et de respect, pas d’être soumises.
Dans les familles, on éduque par ce que l’on dit mais aussi par ce que l’on fait. Les enfants nous regardent ! »
« Ici, en tant que femme, tu n’as que deux choix possibles : te soumettre au schéma imposé ou te battre pour que l’on prenne en compte tes capacités avant ton corps, pour prouver que tu n’es pas bête et que tu mérites l’estime des hommes.
Pour moi, il n’y a jamais eu que cette deuxième option !
On voit ce qui se passe à l’étranger, mais le phénomène “Me too” n’a pas vraiment pris en Haïti. »
« S’habiller comme on veut, aller et venir librement, dire non quand on n’a pas envie… Les femmes sont plus exposées à la violation de leurs libertés que les hommes, aussi bien dans la vie quotidienne que dans le milieu professionnel.
“Les garçons sont forts et les filles sont fragiles, les garçons sont des superhéros et les filles des princesses”
Travailler dès le bas âge sur les stéréotypes qui entretiennent le système patriarcal peut aider à réduire les risques de violence et de discrimination. »
« Le rôle de l’éducation est primordial dans cette lutte.
Dans le monde du travail, il y a aussi beaucoup à faire en matière d’égalité.
À compétences et responsabilités égales, on doit tous et toutes avoir les mêmes droits, le même salaire. Si une entreprise pense que c’est un manque à gagner, c’est à elle de se questionner, pas aux femmes ! »
« Dans la lutte contre les discriminations subies par les femmes, on ne peut pas faire l’économie du débat, en impliquant les hommes.
On commence à sentir plus l’impact du combat mené depuis les années 70. Aujourd’hui, ces sujets sont enfin dans tous les agendas : médiatique, politique, éducatif…
Il y a des combats féministes beaucoup plus essentiels, profonds, structurants, que les scandales surmédiatisés.
J’ai de l’espoir, mais aussi beaucoup d’inquiétudes.
Mais pour les femmes, les façons de s’émanciper ne sont pas partout les mêmes.
Ne basculons pas dans une forme d’universalisme dominant qui ne prendrait pas suffisamment en compte les réalités de terrain ; cela pourrait avoir des effets contreproductifs. »
« La question des droits des femmes se pose encore aujourd’hui en France.
Cela me consterne qu’en 2023 on ait encore besoin d’une journée pour parler des droits des femmes, de parité, d’égalité etc. Mais cette journée existe car nous avons des centaines d’années de patriarcat et de vision masculine de la société derrière nous.
Pourquoi en 2023 ne considérons-nous toujours pas les individus par rapport à leur qualité d’être humain et pas par rapport à leur genre ? Qu’est-ce qui fait qu’un individu s’arroge des droits sur un autre au prétexte de son genre ? Je trouve cela inadmissible. Je regarde une personne, pas son sexe, sa couleur de peau, sa religion. »
« Dans les années 1980, j’ai eu une vraie prise de conscience : le féminisme est une donnée importante qui doit agir pour protéger les femmes et l’accès à leurs droits. Cela a été une période charnière dans mon existence en tant que femme.
La loi seule ne suffit pas, même si elle pose un cadre égalitaire.
Il y a la loi, mais il y a surtout l’application de la loi.
Dans le droit du travail, on doit pouvoir prévoir le fait qu’une femme mette entre parenthèses sa carrière le temps du congé maternité, sans que cela ne freine le courant de son évolution, sans couper l’acquisition des échelons et des grades.
Les hommes qui prennent leur congé parental devraient eux aussi pouvoir profiter de la continuité de leur carrière, de la même façon que s’ils étaient en activité. C’est une question d’équité ! »
« Je ne me vois pas bûcheron ou routier, mais certaines femmes le font !
Il n’y a pas de métiers d’hommes, de métiers de femmes. Il y a un métier et il y a un individu en face, un homme, une femme, une personne non binaire.
L’individu doit avoir l’opportunité de choisir ce qu’il veut faire, ce qui lui permet de s’épanouir.
On parle de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais la liberté des individus à disposer d’eux-mêmes, c’est tout aussi essentiel ! »
« L’éducation doit permettre aux jeunes de se considérer comme des êtres humains, pas selon leur genre.
C’est à l’école que certaines filles prennent conscience de leurs libertés (choisir sa carrière, choisir de se marier ou non, etc.) et s’affirment, ce qui pose parfois des difficultés lorsqu’elles ont plus de liberté à l’école qu’au sein de leur foyer.
Si à l’école on ne fait pas de différences entre les filles et les garçons, ça se fera naturellement sur le long terme.
Un jour, on n’aura même plus besoin d’en parler, on se considérera tous selon ce à quoi l’on aspire, ce que l’on a envie de faire.
L’école de la République, laïque, est une garantie d’équité.
Il faut commencer dès le plus jeune âge : on attaque à la maternelle et on continue ! »
« L’apparence des femmes est un sujet, le jugement est encore très fort.
L’image de la femme sur les réseaux sociaux, dans la publicité, au cinéma, dans la musique, reste encore très dévoyée et sexualisée. Les jeunes filles et les garçons que je côtoie dans mon collège sont très imprégnés de cela.
Certains hommes ont été formatés par leur milieu social, familial, professionnel. Si on leur montrait que tout peut bien fonctionner différemment, certains changeraient.
Il faut aussi que l’on apprenne aux jeunes filles qu’elles ont le droit de réagir quand elles sont victimes de discriminations.
Car nous aussi en tant que femmes, peut-être avons-nous transmis à nos filles un certain état d’esprit que nos mères nous avaient elles aussi transmis « tu es une femme donc tu dois essayer de composer, ne pas forcément revendiquer, plutôt prendre des chemins détournés ».
Je me dis que peut-être, je ne connaitrai pas ce jour où les femmes ne subiront plus de discriminations.
En est-on à ce moment charnière où il faut lutter contre les derniers ressorts du patriarcat ?
Il faut encore aller au combat, mais j’ai l’espoir que dans 50 ans, les choses se seront peut-être lissées. Mais il faut avoir l’esprit en veille et déceler les signes de régression. »
« Je ne suis ni femme ni féministe. Je suis humaniste, je défends l’égalité entre les êtres humains.
Mais le mouvement féministe est une réponse nécessaire au modèle sociétal existant car son impact est subit non seulement par les femmes mais aussi par les hommes et les jeunes en général.
Il faut plaider pour les droits humains et pas seulement par rapport à une catégorie. Parler uniquement d’égalité femme-homme c’est un cercle cloisonné, ça ne donne pas une approche universelle.
Il faut attaquer ce combat avec une approche humaniste orientée sur les droits humains qui sont indivisibles. »
« En Tunisie, on est peut-être les plus progressistes de la région. La femme a eu le droit d’ouvrir un compte bancaire avant la Belgique par exemple.
D’un point de vue légal, on a peut-être les meilleures lois, mais en termes d’application, ce n’est pas encore ça.
La femme est là pour élever les enfants, et l’homme pour chercher la nourriture, comme si on était encore à l’époque préhistorique.
L’homme serait là pour sa carrière, pour développer une richesse et la femme pour le travail domestique. Cela fait partie de la société patriarcale.
À 3 ans, 5 ans, il n’y a aucune différence. C’est la société qui alimente tout cela. »
« Le pouvoir historique du patriarche diminue. Les choses doivent continuer à bouger !
Tout homme est entouré de femmes durant toute sa vie. Toutes ces femmes subissent ces discriminations, que ce soit en Tunisie ou dans le monde.
Si aujourd’hui on pose la question du nombre de femmes dans la liste des hommes les plus riches, il n’y a que des hommes.
Pourquoi ce sont toujours les hommes les plus riches, les plus influents, les plus présents dans les postes de pouvoir ?
Il y a un travail de fond à faire, avec un plaidoyer important au niveau de la loi et de l’application de la loi pour mettre fin à toutes les formes de discriminations, travailler sur l’autonomisation des femmes et surtout préparer dès l’école une nouvelle génération qui incarne cette égalité entre êtres humains.
Il faut plus de femmes PDG, plus de représentantes du peuple, plus de membres dans le gouvernement…
Aujourd’hui, même la cheffe du gouvernement tunisien subit des pressions car elle est une femme ! »
« Les femmes cumulent les discriminations.
Une femme jeune, en situation de handicap, est plus discriminée qu’une femme valide de 50 ans. Il y a des discriminations qui dépassent le genre, mais cela reste un facteur discriminatoire.
Dans l’accès à l’emploi, il y a une différence selon les régions. Dans les zones rurales, il n’y a que les femmes qui travaillent. C’est que c’est une sorte d’exploitation économique car les hommes sont là pour consommer et les femmes pour travailler dans les champs.
En Tunisie, il y a eu des femmes commandantes dans des guerres importantes, comme dans l’histoire de Carthage. Historiquement d’un point de vue national, nous avons des modèles.
Il faut avoir comme objectif l’égalité entre êtres humains, sans pour autant recalquer un autre modèle de société.«
« Les droits humains sont très transversaux, ils doivent être enseignés dans tous les cours, dès les premières années d’école.
Les jeunes acceptent mieux les questions d’égalité, de mixité. Il y a plus d’interconnexion dans la nouvelle génération, de partage, d’échanges entre hommes et femmes.
Même chez les jeunes parents, il y a un changement qui commence à se réaliser. Progressivement, il y a des progrès.
Le défi de demain c’est de savoir si l’humain sera capable de concurrencer ou non la machine.
Les discriminations basées sur le physique ou la prétendue force de l’homme, n’existeront plus puisque les muscles ne servent à rien face à la machine. »
« Les femmes et les filles subissent la discrimination, la violence, l’exclusion sociale.
Les causes sont profondes : mentalités patriarcales, relation de domination entre hommes et femmes et replis identitaires. »
« Généralement, ceux qui défendent le patriarcat sont aussi des capitalistes qui défendent leurs intérêts économiques.
Cette mentalité rétrograde contribue au renforcement des clichés et stéréotypes qui entravent l’accès des femmes à leurs droits fondamentaux. »
« On ne peut pas parler de société juste et démocratique ou d’État de droit sans parler de liberté et d’égalité.
C’est notre combat à nous toutes et tous.
Nous luttons contre les inégalités fondées sur le genre dans nos programmes, nos activités.
Sur le terrain, nous travaillons dans le respect des besoins des populations, en prenant en considération l’analyse politique des associations partenaires et les législations en vigueur, sans jamais lâcher le combat pour faire évoluer les lois en faveur de l’égalité. »
« La Tunisie vit une crise politique, économique et sociale très aigue et les évènements se succèdent à un rythme vertigineux. Nous sommes désemparé.e.s, inquiet.e.s, déprimé.e.s.
Dans ce contexte, le 8 mars, qui fédère les luttes des femmes de par le monde, a un goût amer mais reste une date cruciale pour tou.te.s les défenseurs.eures des libertés.
Si je fais une cartographie de la Tunisie en matière de genre, il apparait clairement que les femmes ont réussi, grâce à des luttes acharnées à obtenir des droits. »
« Les axes concernant les discriminations sont nombreux.
En matière d’éducation, les programmes scolaires sont encore loin de repenser la société en termes de droits humains, même si un effort a été fait dans ce sens avec la rédaction du plan sectoriel de l’éducation 2022-2025 auquel nous avons participé en tant que société civile.
Les contenus pédagogiques reflètent encore une prédominance masculine quant aux rôles dans la famille et aux matières enseignées ; l’éducation à la sexualité est toujours niée, reniée et refusée par une large frange des éducateurs et des parents.
Dans le secteur social et particulièrement le secteur agricole, les femmes représentent 70% de la main-d’œuvre mais elles sont payées environ 50% de moins que les hommes et ont un accès très limité à la protection sociale.
Les discriminations faites aux femmes ouvrières dans leur quotidien sont décriées par les associations de la société civile qui dénoncent leurs maltraitances par des patrons qui n’obéissent pas aux règles élémentaires de la sécurité de leurs employées.
Transportées vers leurs lieux de travail dans des conditions qui mettent leurs vies en danger, les accidents mortels sont quotidiens, les journées de travail longues, le travail pénible et sous-payé. »
« Sur la question du genre, les associations de défense des droits travaillent d’arrache-pied pour appuyer les femmes victimes de violences familiales, sociétales et professionnelles.
Elles prennent en charge les dossiers de ces femmes, leur trouvent des refuges et des solutions à leurs problèmes et défendent aussi les minorités LGBTQI++.
Même si elles sont reconnues en tant qu’associations, leurs membres sont encore persécuté.e.s, en proie à des discriminations, à des violences sécuritaires mais également à un rejet d’une grande frange de la société, qui reste conservatrice et patriarcale. »
« Enfin, une autre forme de discrimination touche en particulier les hommes migrants mais aussi les femmes : les discriminations raciales.
Nous avons en Tunisie une loi organique qui « a pour objectif d’éliminer toutes les formes et manifestations de discrimination raciale afin de protéger la dignité de l’être humain et de consacrer l’égalité entre les individus ».
Malheureusement, à l’heure où j’écris ces lignes, cette loi est bafouée et les populations migrantes sub-sahariennes subissent un acharnement raciste depuis le discours du président contre les migrants sans papiers.
Les Subsaharien.ne.s vivent des moments difficiles et aujourd’hui, plus que jamais, la société civile doit unir ses forces pour que la défense des droits humains prenne tout son sens et puisse se concrétiser. »
Les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes sont dues au système patriarcal.
Elles n’ont pas accès à la terre à cause de ce système qui donne la responsabilité aux hommes. Si la femme est parfois réduite à faire le ménage à la maison, c’est à cause de ce système patriarcal où l’autorité revient à l’homme. Pour moi, c’est un système qui n’est pas du tout favorable à la femme et qu’on doit absolument revoir.
Dans notre société sénégalaise, la femme n’est pas marginalisée mais beaucoup de pouvoir est accordé aux hommes.
On le constate beaucoup dans le milieu rural. Les femmes n’ont pas accès à la terre. L’apport de la femme au niveau du ménage est beaucoup plus important que celui de l’homme. En général, dans le monde rural, ce sont soit les femmes soit les enfants qui font le travail champêtre. Les hommes font des activités qui “nécessitent plus de force” et laissent la place à la femme pour le reste.
On peut aller vers l’égalité mais de façon progressive. Vouloir faire changer la société d’un coup c’est compliqué, ça peut causer des frustrations et être perçu comme de l’acharnement.
Les discriminations sont nombreuses.
Du moment où les parents n’encouragent pas les filles dans des études poussées, cela diminue leur nombre à un certain niveau (master, doctorat). D’autres aspects comme le mariage précoce, ou les violences sexuelles impactent leur confiance en elles et leur niveau d’étude.
Quand on fait un appel à candidatures pour un poste à responsabilités, moins de femmes que d’hommes ont alors un profil intéressant, ce qui réduit leurs chances d’être sélectionnées.
Au niveau du LABIS, on avait cette difficulté à toucher plus de femmes. En changeant notre manière de faire, on a renversé la tendance. Il y a notamment eu une formation au leadership féminin qui a permis aux femmes de mettre en place un réseau d’entraide pour les personnes en détresse.
Il n’y a pas de sens à parler de métier d’hommes et de métiers de femmes. Selon les horizons dont viennent les jeunes des LABIS, ils partagent cet avis, ils acceptent le concept d’égalité.
Le manque d’accès des femmes à la terre est une autre forme de discrimination.
C’est le système patriarcal qui les en prive. Quand un père de famille décède, le partage des biens n’est pas également réparti entre les fils et les filles.
Aujourd’hui, il y a plus d’ouverture notamment avec les nouvelles technologies, on s’informe sur les actualités des autres pays. Les revendications sont beaucoup plus fortes, les canaux de communication sont des leviers sur lesquelles les jeunes d’aujourd’hui peuvent compter pour faire bouger les choses.
On a beaucoup plus d’espoir pour cette génération.
Des mouvements féministes fleurissent un peu partout dans le monde et au Sénégal en particulier.
Beaucoup de femmes, de jeunes filles prennent la parole, sont invitées dans les plateaux télévisées. La résonnance du mouvement “Me Too” se ressent également ici au Sénégal.
Mais beaucoup pensent aussi que le féminisme est contre l’homme, que c’est un courant politique qui accuse et qui cherche à dévaloriser les hommes, alors que ces mouvements peuvent contribuer à équilibrer les choses, à rétablir la justice entre les hommes et les femmes.
On ne peut pas donner de limites aux femmes.
Les mentalités commencent à changer. Avant, les parents reléguaient les filles au second plan, se disant qu’elles n’étaient pas faites pour l’école mais pour le ménage. Mais la tendance est en train de se renverser.
On doit mener des actions qui contribuent à diminuer le fossé qui existe entre les hommes et les femmes à tous points de vue.
Les femmes doivent convaincre les hommes et mêmes les autres femmes de leurs compétences. Toutes les femmes ne supportent le féminisme. Il y a une réelle conscientisation à faire.
Il faut que l’on explique aux hommes que le féminisme, c’est pour réduire les inégalités, lutter contre le sexisme, pas pour ôter le pouvoir, discriminer, réduire les hommes.
Le travail doit se faire du côté des femmes et des hommes. Il faut de la communication, c’est très important.
Il faut une compréhension globale des deux côtés, et voir à quel rythme on peut adapter ces changements dans la société.
Je suis pour qu’on soit ouvert d’esprit, qu’on puisse discuter de tout, en préservant nos valeurs.
Pour moi c’est une question générationnelle dans la mesure où il y a une évolution des consciences, impulsée par l’ouverture au monde, le niveau d’éducation et les nouvelles technologies qui facilitent les mutations.
Nos ainés n’ont pas la même maîtrise de ces outils et peuvent être en déphasage, plus conservateurs. Pour les convaincre, c’est tout un problème.
On peut difficilement concilier les différentes générations autour de la notion d’égalité. Deux époques sont en contraste, avec peu de mélange entre les deux.
C’est aussi une question de géographie. L’accès à certaines infrastructures de base, comme celles de l’éducation est parfois limité.
Dans certaines localités du Sénégal, il faut parcourir des kilomètres pour aller à l’école primaire, ce qui est compliqué pour un enfant.
L’accès à l’électricité n’est pas non plus couvert à 100% au Sénégal. Une partie de la population est coupée de certaines informations sur l’évolution des choses.
La pauvreté est aussi un facteur d’inégalité. Beaucoup de familles “donnent leur enfant en mariage” pour pouvoir recueillir des fonds de la part du mari.
« La Terre est misogyne !
Le faible accès des femmes à leurs droits est un problème commun à tous les pays, quel que soit le niveau de développement.
Les femmes, j’en suis de plus en plus consciente, sont vraiment opprimées, toutes classes sociales confondues. Un des enjeux qu’elles doivent relever, c’est de s’unir entre les pays, se renforcer et se ressourcer les unes les autres.
J’ai un côté rêveur, mais ce n’est pas utopique. Avant 1968, on n’avait pas le droit à l’avortement, avant on n’avait pas de congés payés… C’est ça l’œuvre des militantes, d’avancer sur les droits de l’homme et des femmes.
Je pense que les hommes sont aussi victimes de la schizophrénie du système de valeur patriarcal. Et il faut les aider à s’en apercevoir, à y faire face pour la dépasser et s’en libérer. »
« La solution doit venir des femmes et des hommes.
Aujourd’hui, quand on parle de violences, tout le travail se fait du côté des femmes, pour les informer de ce qu’elles peuvent faire lorsqu’elles en sont victimes.
Mais il faut absolument travailler sur la réhabilitation de l’agresseur, pour ne plus perpétrer cette inégalité dans les pensées et dans les actes.
Il faut aussi travailler sur les enfants et les adolescents d’aujourd’hui.
Parfois, des hommes se libèrent de leurs tabous, de leur éducation.
Un père patriarche n’accepterait jamais qu’on se comporte avec sa fille comme il se comporte avec sa femme, ses collègues femmes, ses élèves femmes, ses étudiantes.
Il faut mettre l’homme face à sa doctrine pour qu’il s’aperçoive de son comportement discriminatoire. »
« Il faut corriger l’image que les manuels scolaires véhiculent, former les enseignants et le corps administratif sur l’égalité des genres, et l’exercer dans les discours les plus simples, surtout à direction des jeunes.
Il y a un travail structurel de longue haleine à mener pour le changement des mentalités par l’éducation, l’art, la culture et le sport.
Les associations font un très beau travail dans les écoles, les universités, par l’art et les médias.
C’est un travail de longue haleine de changer les mentalités et les attitudes.
Parce que je suis une femme et une mère, j’ai été discriminée.
Je n’ai pas pu faire certaines activités car je suis une mère qui rentre en courant du travail pour passer du temps avec ses enfants, préparer le dîner à temps. J’ai voulu faire des expériences à l’international mais je n’ai pas pu car il valait mieux rester pour les enfants.
Je pense qu’aucune mère ne dirait qu’elle a pu tout faire malgré le fait qu’elle soit mère.
Généralement, c’est toujours la femme qui se sacrifie pour que le partenaire réalise ses rêves et rarement l’inverse. »
« La charge mentale que le système et la société nous impose est une des plus grandes discriminations, surtout pour une mère, d’autant plus une mère célibataire.
La charge mentale est d’autant plus lourde car le système a fait que la femme doit impérativement être belle (se maquiller, bien s’habiller…), mince (faire des régimes, se priver…), douce, etc.
C’est une grande oppression, de faire passer cette charge mentale pour une obligation, et en plus, de ne pas la valoriser.
Il faudrait quantifier et valoriser le bien être que la femme construit et offre à la société et aux membres de sa famille dans le PNB, comme le fait l’économie féministe. C’est la « soft economy ».
Il y a des jeunes plus rétrogrades que leurs grands-parents et d’autres qui sont plus ouverts.
Mais la majorité sont plus libres et convaincus qu’il est inadmissible que la femme assume une plus lourde charge mentale.
Moi je crois en cette génération de jeunes, je pense qu’elle a beaucoup à offrir à l’humanité. »
« En Tunisie, la proportion des filles qui réussissent le bac avec mention est de loin supérieure à celle des garçons. Dans l’enseignement supérieure, les femmes sont plus nombreuses.
Mais leurs statuts sont de loin inférieurs à leur potentiel.
1,5% des cadres dirigeants sont des femmes alors qu’elles représentent la majorité des diplômés du supérieur !
Les femmes sont très peu présentes aux postes de décision dans les entreprises et les institutions politiques, ce ne peut qu’être le résultat de la discrimination.
Les femmes elles-mêmes n’ont pas cette habitude de se battre pour leurs droits.
Dans les partis politiques, même ceux très à gauche, il n’y a que très rarement des femmes en tête des listes électorales.
Elles ne sont pas nombreuses dans les bureaux exécutifs des structures syndicales alors que le mouvement syndical regorge de femmes. Il y a beaucoup de contradictions.
Ça n’a aucun sens de parler de métiers d’hommes ou de femmes. Dans les mentalités, certains métiers paraissent bizarres pour une femme. Mais les gens ont compris que la femme est responsable, pluridisciplinaire, empathique.
Je pense que les mentalités commencent à changer. »
« Notre génération n’a pas inventé le féminisme.
On a utilisé d’autres outils pour rendre ce combat plus visible, plus audible. On a commencé à assumer, à communiquer, marcher dans la rue, car c’est important d’en parler. Mais nos mères, nos grands-mères en parlaient déjà.
Je ne pense pas que les plus anciennes générations soient plus conservatrices. On a tous parcouru sur ce chemin, on va tous dans le même sens, dans la bonne direction.
Le féminisme, c’est un combat d’idées, de réflexion, de littérature. Ce n’est pas un combat violent.
Je pense que le combat va devoir continuer longtemps. Tous les jours, il y a des conversations, des débats dans lesquels j’ai envie de m’investir en tant que féministe ! »
« La remise en cause des masculinités ce n’est pas un sujet qui fait partie de notre combat. Peut-être que des hommes se sentent mal et ils ont le droit de l’exprimer, mais ce n’est pas là que j’ai envie d’investir mes forces.
Je n’ai jamais entendu une féministe remettre en cause le droit des hommes à travailler, à s’exprimer, à exister. C’est une peur irrationnelle.
Les femmes sont obligées d’agir car l’homme, au vu de ses privilèges, a moins de raisons de se battre et d’y mettre de l’énergie.
Le rôle qu’ont à jouer les hommes est surtout de laisser les personnes concernées parler et de ne pas chercher à reprendre la parole en reformulant ce que disent les femmes. »
« Le mouvement “Me too” a amené une sororité, un espace où on se croit, on s’écoute, on s’entend.
Mais dans les chiffres, le nombre d’agressions ne diminue pas, même si on en parle plus.
Il n’y a pas plus de condamnations, pas plus de conséquences pour les agresseurs.
Cette communauté d’entraide n’a pas d’impact sur les hautes instances. C’est un début qui doit avoir un impact juridique pour mettre fin à l’impunité.
Les hommes doivent cesser d’agresser, non pas pour protéger leur poste, mais pour arrêter d’infliger cette violence aux femmes.
Une minorité d’hommes est alliée et une majorité se tait, ne s’intéresse pas au sujet et continue à reproduire les schémas patriarcaux.
Il y a énormément de sources et de contenus produits par les femmes que les hommes sensibles à la cause peuvent diffuser. Puisque les hommes sont mieux écoutés par les autres hommes, ils devraient chercher à les encourager à écouter des femmes féministes. »
« Dans le monde du travail, les filles se dirigent plus souvent vers des métiers de passion et ont moins le droit d’être ambitieuses, de demander une rémunération adéquate.
Ce sont plus souvent les hommes qui osent demander des promotions.
Globalement, dans mon cercle d’amis, plus de femmes s’orientent vers des métiers de soin, ou d’éducation par exemple, des métiers moins bien payés mais que l’on fait par passion et plus d’hommes vers des métiers qui sont valorisés, par le prestige et le salaire.
Il n’y a pas de métiers de filles ou de garçons, mais il y a encore des reproductions de ces stéréotypes.
Souvent, ce n’est pas un choix, la question n’est même pas posée car les petites filles ne voient pas de femmes faire certains métiers.
Si seulement on valorisait financièrement le travail domestique et l’éducation des enfants !
Tout le monde du travail est fait pour que la femme s’occupe de la maison. On reste dans un modèle où l’homme ramène plus d’argent et donc travaille plus.
La différence salariale implique que c’est à la femme de mettre sa carrière entre parenthèses et de plus s’occuper des enfants, ce qui a un impact sur son évolution professionnelle à long terme. Il faut absolument que les pères puissent prendre autant de congé paternité que la mère de congé maternité. Ça devrait être normal partout.
Si on donne accès aux femmes à des postes plus ambitieux et qu’on montre à certains hommes qu’ils peuvent travailler moins et se consacrer plus au travail domestique, il peut y avoir un changement.
Il faut aussi qu’on laisse aux femmes la liberté de décider, car c’est “ok” d’être ambitieuse et carriériste et c’est “ok” de vouloir passer plus de temps avec ses enfants. »
« L’éducation a un rôle à jouer, que ce soit à la maison par les parents ou à l’école.
L’école ne doit pas orienter les garçons ou les filles vers certaines filières.
Il y a encore des rôles qui sont assignés, notamment au niveau du travail domestique.
Il faut donner des pistes à chaque femme pour qu’elle se questionne sur ces sujets, plutôt que de leur dire qu’elles ne devraient pas faire ce qu’elles font.
Plus d’égalité pourrait mener à une société moins violente.
Il y aurait plus de femmes à des postes de pouvoir, les systèmes seraient moins orientés vers les guerres de pouvoir et d’argent.
Je pense que les femmes portent en elles des valeurs sociales qui font tourner les sociétés, des valeurs d’écoute, d’entraide, de patience. »
« Au Bénin, l’égalité hommes-femmes reste un combat légitime.
Officiellement, les femmes ont les mêmes droits quant à l’accès à l’emploi et au niveau de rémunération.
Beaucoup d’avis de recrutement encouragent d’ailleurs les candidatures féminines, mais malheureusement peu de femmes postulent. »
« Aujourd’hui, il revient à la femme de prendre les dispositions nécessaires pour éviter que le poids de la maternité ait des répercussions négatives sur son parcours professionnel et personnel.
Les organisations (publiques et privées) devraient par exemple prévoir dans le cadre de leur politique genre des espaces de garderie d’enfants. »
« Malgré tout, les femmes ont leur place et un rôle à jouer dans les sociétés et instances de décision béninoises.
Elles ont prouvé leur capacité à travers les résultats et impacts de leurs actions.
Les élections législatives du 8 janvier 2023 l’ont démontré avec l’amélioration de leur représentativité : 28 femmes députées sur un total de 109 , un chiffre encore jamais atteint. »
Les jeunes qui fréquentent le LABIS ont compris qu’il n’y a plus de sens à parler de « métiers pour les hommes / métiers pour les femmes ».
Il faut surtout avoir de la passion pour le métier, se former pour acquérir les compétences nécessaires.
« En Haïti, on est discriminées dès notre plus jeune âge.
Dans les milieux ruraux, les parents sont généralement plus réticents à ce que les filles poursuivent leurs études supérieures. À Port au Prince en revanche, on est de plus en plus habitués à voir des femmes dans plusieurs sphères sociales et qui continuent leurs études.
Dans le cadre de nos programmes, nous défendons l’accès aux mêmes chances pour toutes et tous. On organise des activités avec des jeunes hommes et des jeunes femmes pour leur permettre de visualiser leur vie ensemble et réaliser qu’ils peuvent faire les mêmes choses. Cela montre aux femmes qu’elles peuvent se lancer dans tout ce qu’elles veulent. Par exemple, le programme Jardin Créole qui consiste à planter des arbres fruitiers au sein des écoles, inclut la participation de filles et de garçons.
On n’observe pas vraiment de discriminations salariales en Haïti. Quand les femmes atteignent les mêmes postes à responsabilité, elles ont les mêmes salaires que les hommes, mais c’est beaucoup plus difficile pour elles d’y arriver. Et si une femme prétend à certains métiers, elle est considérée comme une « femme homme », ce qui crée une barrière. »
« Si on inclut les femmes dans les espaces de décision, ça va changer la donne.
Il faut travailler avec les hommes pour qu’ils réalisent que les femmes ne sont pas en compétition avec eux, pour qu’ils ne se sentent pas lésés par l’influence des femmes dans la société.
Les hommes occupent les espaces de décision, il faut les sensibiliser, sinon il y aura toujours des barrières, on va retomber sur les mêmes inégalités.
C’est un travail que l’on doit faire en amont en sensibilisant la population, les institutions, les acteurs publics et privés. »
“Les générations d’aujourd’hui peuvent casser les barrières !
Il faut commencer dès le plus jeune âge, parce que l’éducation maternelle est généralement prise en charge par les femmes. Elles doivent éduquer les garçons et les filles de la même façon.
Quand j’étais à l’école, on nous catégorisait : les garçons au foot ou au basket et les filles à la couture, ou des activités considérées comme plus simples.
Il faut ouvrir les activités parascolaires à tous les enfants de façon égalitaire.
Avant en Haïti, c’était à l’homme de travailler et à la femme de rester à la maison.
Traditionnellement, les femmes Haïtiennes devaient être un pilier à la maison, organiser le foyer.
Aujourd’hui, les choses changent, elles sortent du domicile, candidatent à des élections, dirigent des entreprises…
Il y a beaucoup d’avancées et de mouvements féministes. »
« Le corps des femmes est comme une proie.
Comment à travers l’histoire, les hommes ont-ils pris le corps de la femme comme une possession ? Si une femme refuse, certains pensent quand même pouvoir la posséder.
Dans le cadre professionnel, je ne me suis jamais sentie bloquée, mais dans ma vie de tous les jours, lorsque je défends une opinion, les hommes ont tendance à me traiter d’hystérique, alors qu’ils font la même chose pour soutenir leurs propos.
On subit ces attitudes sexistes et cette violence au quotidien, dans la rue, ou sur la route notamment.
J’ai beaucoup aimé le mouvement “Balance ton porc”. Je pense qu’il faut toujours réagir aux attitudes sexistes, à chaque fois, pour pouvoir lancer un vrai changement pour les années à venir. »
« Ici au Burkina Faso, c’est encore surprenant pour certains de voir qu’une femme peut avoir un quelconque pouvoir de décision. Moi, indépendante, quand je parle de mon travail, si je suis face à certains hommes, ils ne m’écoutent pas vraiment ou alors avec condescendance.
Ils sont plus intéressés par mon décolleté que par ce que je dis.
J’ai connu plusieurs discriminations, plusieurs cas de harcèlement sexuel, des emplois que j’ai dû refuser parce que l’on m’a expliqué en termes clairs, parfois visuels, ce que je devais faire pour obtenir cet emploi. C’était comme une norme. Le fait de dire non était surprenant.
Je ressens moins les discriminations aujourd’hui, j’ai appris à passer outre certaines paroles qui me choquaient il y a quelques années. Mais certaines femmes ne peuvent pas par exemple prendre des contraceptifs sans l’accord écrit de leurs maris. Elles sont obligées d’aller en acheter à des vendeurs de rue, ce qui met leur santé en danger.
La journée du 8 mars, c’est devenu le carnaval. C’était une bonne idée à l’époque mais les gens ne savent même plus que c’est la “Journée Internationale des droits des femmes” et non pas la “fête des femmes”. »
« Ce n’est pas lié à l’âge ! J’ai animé un atelier de peinture murale au LABIS transnational à Koubri avec des jeunes filles qui adoraient ce qu’elles apprenaient.
L’une d’elles, de 17 ans, me dit « je suis contente car je pourrais faire ça dans la maison de mon mari ». Pourquoi pas sa maison à elle ?
Elle ne se rendait pas compte qu’elle avait le droit d’avoir une maison !
Pour les autres, c’était normal, elles sont là pour faire des enfants, elles doivent demander la permission à leurs maris pour venir travailler.
Les femmes s’occupent des enfants, font tous les travaux domestiques. S’il y a un champ, ce sont les femmes qui vont aller cultiver.
Je rencontre des filles de 12 ans déscolarisées parce que les parents jugent que ça ne sert à rien et qu’il vaut mieux se concentrer sur le garçon.
C’est dur. Mais une pierre, un pas, un jour on va y arriver !
Les jeunes filles à Ouagadougou, la capitale, sont un peu plus émancipées.
Mais mêmes si elles travaillent, elles n’ont pas leur propre logement, elles restent chez leurs parents jusqu’au mariage.
J’encourage les femmes à oser faire certains ateliers, aucune n’a voulu de la menuiserie par exemple.
Une seule femme a bien voulu participer à l’atelier soudure et a été moquée par les autres.
Si les femmes arrêtent d’avoir peur, de se dire qu’elles doivent toujours demander la permission, si elles se disent, “je suis un être humain je peux oser”, il y aura un changement notable !
Je vois cette confiance, cette assurance qui arrive chez les femmes. J’espère qu’elles seront assez fortes pour ne pas céder au diktat. J’espère…
Certaines sont encouragées par leur mari mais seulement pour qu’elles rapportent de l’argent.
Ici, il y a de plus en plus d’associations, de mouvements de femmes qui vont dans ce sens, surtout au niveau de l’entrepreneuriat.
Ce combat doit être mené dans la sous-région, mais pas de la même façon qu’en Europe.
Ça doit changer dès le bas âge, il faut expliquer aux mères, aux jeunes filles, qu’elles ont les mêmes droits que les hommes, que leurs frères. »
« Il y a des ethnies en Afrique et au Burkina Faso où les femmes décident, sont au centre de la famille. Je dirais même que c’est l’influence occidentale qui a fait oublier la place de la femme dans ces différentes cultures. Je viens d’une ethnie très machiste mais pourtant les femmes tiennent toute la famille. On n’a pas de chef, chaque famille a son chef de famille et la femme tient toute la famille. Le mot « chef de famille » a été créé par le législateur et on considéré de fait que c’était l’homme. Ça change les codes ! On a oublié la place originelle de la femme dans les cultures !
On devrait tous se dire humanistes. On veut le bonheur de tous les êtres humains.
Défendre le droits des femmes oui. Mais pas au point de perdre son indulgence. Qu’est-ce qu’on reproche aux hommes ? D’être intolérants, de ne pas nous voir comme des êtres humains à part entière, des personnes aptes à réfléchir. En tant que féministe, il ne faut pas reproduire la même chose, prendre les hommes pour des êtres brutes au caractère primaire.
Le discours doit être revu, s’adapter selon les cultures.
Quand je parle d’égalité de droits à certaines femmes, elles s’imaginent en train de porter un pantalon tous les jours, de se laisser pousser la barbe.
Le mot que j’utiliserais serait plutôt “équité”; on donne à chacun ce qui est juste et mérité.
On peut mener des actions avec des juristes qui iront dans les villages expliquer aux femmes leurs droits, dans leurs langues. Ce n’est pas parce que c’est ton mari qu’il doit te donner la permission. Il faut se demander ce qui est dit par la loi, par la tradition et ce qui est un abus.
Certains instituteurs sont étonnés de voir que la petite fille est meilleure en maths. Ils doivent arrêter de faire les commentaires que l’on entend tout le temps « tu n’as pas besoin d’étudier autant car tu vas te marier et ton mari ramènera l’argent ». Ce discours doit arrêter.
Il faut mener des actions pour que les petites filles ne soient plus déscolarisées pour des raisons futiles “tu es adolescente donc apte à te marier, tu dois rester à la maison pour apprendre à t’occuper d’un foyer.”
Il y a une femme qui a participé à une formation à Koubri. Elle n’a pas fait d’étude, mais ajoute en riant que “l’argent de son école a été bu et mangé dans un maquis”. Malgré son rire, on voyait sur son visage une peine qui n’est jamais partie. Elle est fatiguée de subir, elle a deux petits enfants en bas âge et son objectif est d’avoir assez d’argent pour que ce qui lui est arrivé n’arrive pas à ses enfants. J’aime retenir ce genre d’histoires. Elle ne veut pas que l’histoire se répète. Ça change petit à petit ! »
« Je viens d’une époque où c’était très dur.
Je n’avais même pas 8 ans quand on m’a fait comprendre que j’étais une fille.
Je voulais sortir comme mes frères, jouer au foot, me balader. Du jour au lendemain, je ne pouvais plus.
Je devais rester à la cuisine, regarder ce que faisaient mes sœurs. Mon frère ne le faisait pas parce que c’était un garçon, c’est ce que l’on me disait.
J’avais des copines qui devaient travailler au champs toute la journée après le travail domestique. C’est beaucoup plus dangereux que d’aller jouer au foot !
L’argument de la protection des filles fragiles est faux.
Les petites filles sont mieux armées aujourd’hui.
Quand je regarde ma génération, la génération de mes neveux et nièces, c’est totalement différent.
Le discours, l’espoir que j’avais pour mon avenir n’a rien à voir avec celui que tiennent mes nièces. Elles parlent de leur ambition de voir le monde. Elles n’ont pas l’impression qu’en tant que filles elles vont être enfermées.
On ne leur rappelle pas comme le faisaient nos tantes qu’il faut se marier, faire des enfants. On leur rappelle qu’elles ne sont pas obligées de suivre ce processus-là.
Elles ne veulent pas se marier tout de suite parce qu’elles veulent réaliser plein de choses d’abord, et elles osent le dire à leurs parents.
Il a fallu 30 ans pour qu’il y ait ce changement ! »