« Nous devons bâtir une école qui libère les esprits et non qui les enferme, c’est pourquoi l’éducation sera la priorité absolue du nouveau partenariat que je vous propose », déclarait Emmanuel Macron à Ouagadougou le 28 novembre 2017. Au-delà des déclarations, quelle est la réelle détermination politique de notre pays à faire de l’éducation, jusque-là parent pauvre de notre politique de développement, une vraie priorité ?
« Au rythme actuel des financements, nous avons déjà 50 ans de retard dans l’atteinte de l’Objectif de Développement Durable sur l’éducation qui ont été prévus pour 2030. Combien de générations ne fréquenteront pas les bancs de l’école avant que le monde politique ne se réveille et comprenne le levier puissant que constitue l’éducation pour la paix, la santé, le développement économique ? », interroge Carole Coupez, déléguée au plaidoyer à Solidarité Laïque
La part allouée à l’éducation ne cesse de diminuer
Et si cela continue ainsi, il y a tout lieu de s’inquiéter : la part allouée à l’éducation dans le monde ne cesse de diminuer, perdant 4 points en 6 ans, représentant à peine 7% de l’aide au développement mondiale en 2015. « Pourtant, poursuit Carole Coupez, personne ne peut plus méconnaître les effets positifs sur le développement d’un investissement dans l’éducation. Un seul exemple : quand il faut investir 39 milliards de dollars par an pour l’éducation d’ici 2030, ce sont 129 millions de dollars par an que « coûtent » les 250 millions d’enfants qui n’apprennent pas les bases à l’école. Alors qu’attend-on pour agir ? » Quand les seuls arguments humanistes ne suffisent pas à convaincre les gouvernants d’investir dans l’éducation, on pourrait espérer que l’approche économique pourrait conduire à ce changement tant attendu.
A l’échelle de la France, le constat n’est guère plus rassurant. Depuis 10 ans, l’aide internationale de la France à l’éducation ne cesse de diminuer : elle a été divisée de moitié entre 2007 et 2015. A cela s’ajoute le fait que l’éducation de base (primaire, pré-primaire et alphabétisation des adultes) ne représente que 2,5 % de l’Aide Publique pour le Développement bilatérale française, soit 160 millions d’euros. « Ces 160 millions d’euros sont à comparer aux 740 millions d’euros que la France choisit d’affecter à l’enseignement supérieur, et qui ne sont même pas attribués prioritairement aux étudiants des pays les plus pauvres », souligne Carole Coupez.
Un moment qui peut être historique si on s’en donne les moyens
Quant à la participation de la France au Partenariat Mondial pour l’éducation, ce fond multilatéral qui a permis la scolarisation de 72 millions d’enfants depuis 2002, elle est attendue avec circonspection. « En 2016, quand le Royaume-Uni investissait 136,8 millions de dollars, la France n’a concédé que 8,4 millions de dollars au PME, dénonce Carole Coupez. Or, cette année est annoncée comme historique pour reconstituer ce fond à hauteur de 3,1 milliard, un montant jusqu’à présent jamais atteint. » La France est donc attendue de pied ferme par les organisations de la société civile. « C’est une occasion unique pour le Président de la République de concrétiser ses paroles de façon sonnante et trébuchante. Mais attention, cela ne doit pas pour autant conduire la France à abonder le PME au détriment de l’aide bilatérale à l’éducation », met en garde la Déléguée de Solidarité Laïque. Celle-ci reste en effet un pilier indispensable dans le dispositif de soutien à l’accès à l’éducation de qualité dans le monde car elle opère un dialogue entre des partenaires de l’Etat, leurs agences et les organisations de la société civile et enracine un vrai partenariat territorial, politique et technique.
Comme la COP21, Dakar, une chance pour l’avenir du monde !
Quand les engagements seront pris à l’issue du forum, il faudra rester vigilants. Rappelons qu’en 2014, lors de la précédente conférence de financement du PME, les promesses avaient dépassé les attentes en totalisant plus de 26 milliards dollars… sur le papier ! Beaucoup d’Etats n’ont pas tenu leurs engagements. Promesses oubliées, usage de fonds pas encore décaissés, déplacement de l’argent d’un pot à l’autre (bilatéral/ multilatéral par exemple) … En la matière, les Etats ont fait la preuve depuis longtemps d’une grande créativité pour maquiller les affectations de fond.
Au moment où le gouvernement français s’apprête à redéfinir les priorités de sa politique de coopération avec la tenue en février d’un nouveau Comité Interministériel pour la Coopération internationale et le Développement (CICID), nous attendons donc du Président français, qui représentera la France à Dakar, des actes courageux et engageants. Au même titre que la COP21 en 2015, Dakar peut être un moment charnière pour l’avenir du monde.
Retrouvez aussi une tribune de Carole Coupez sur ideas4development