L’éducation mondiale et en premier les élèves sont très impactés par les défis environnementaux et l’urgence climatique.
Comment l’éducation peut-elle s’adapter à cette urgence ?
On ne peut espérer de l’éducation qu’elle soit résiliente qu’à la condition de préciser ses finalités et les moyens qui lui sont affectés. L’éducation est le double mouvement que décrivait le philosophe Paul Ricoeur, celui de « l’adaptation et de la désadaptation dans la formation des individus ». Pour faire face à la situation d’urgence écologique et à ses conséquences, nous sommes bien au carrefour entre la réparation des dégâts, le constat que ce ne sont pas des évènements accidentels et qu’il faut changer rapidement de modes de vie et l’interrogation des fondements mêmes de nos sociétés aux origines d’une situation qui continue à se dégrader.
L’éducation n’est-elle pas aussi un outil puissant pour la prévention et le renforcement des capacités et compétences individuelles et collectives ?
Depuis 50 ans, l’alerte est lancée, sans grands échos à ses débuts, moquée parfois et combattue par les profiteurs d’un système prédateur, mais aujourd’hui renseignée par des dizaines de milliers de scientifiques du monde entier et reprise dans tous les rapports et sommets internationaux. Seuls le cynisme, la cupidité et les habitudes nourrissent encore le statut quo et le déni. Nous savons qu’il va falloir bifurquer, changer de voie, imaginer d’autres manières de vivre. Le défi est anthropologique et n’est en rien catastrophique. Mais il appelle des transformations d’une telle ampleur que l’éducation, les savoirs et les valeurs de dignité humaine doivent être mobilisées pour le relever dans une perspective démocratique et solidaire.
“Seuls le cynisme, la cupidité et les habitudes nourrissent encore le statut quo et le déni.”
Penser la citoyenneté ne peut se faire sans penser préservation du vivant, place de l’Homme dans son environnement et donc « écocitoyenneté ».
Dans cette perspective, quelles compétences l’éducation peut-elle permettre de développer ?
La relation au vivant est au cœur du défi écologique. Il ne s’agit pas seulement de défendre la nature après l’avoir exploitée. Nous sommes la nature qui se défend parce que « les frontières de l’humanité ne s’arrêtent pas aux portes de l’espèce humaine » comme l’évoque Philippe Descola. C’est un bouleversement pour les savoirs : les sociétés occidentales qui ont conquis et non pas découvert « le monde » ont installé cette séparation entre nature et culture qui a structuré nos systèmes éducatifs.
Renouer avec le vivant suppose de rompre avec la culture de l’exploitation des ressources sans limites autre que leur épuisement, d’en connaître les limites à l’échelle de la planète et pas seulement de chaque pays ou région du monde. Il nous faut envisager de manière sérieuse la citoyenneté comme multi-territoriale, du local à la planète, en conjuguant les moyens de l’exercer dans les espaces constitués (collectivités, nation, union européenne) et dans les espaces sociaux, culturels et citoyens qui fabriquent du pouvoir d’agir, ceux de la vie quotidienne et de la société civile.
Parmi les grandes compétences constitutives de cette citoyenneté figurent celles qui permettent de faire lien avec soi, les autres et le vivant : confiance en soi, dans les autres, curiosité, histoire des connaissances et de la condition humaine, esprit critique, conscience des interdépendances, sensibilité, imaginaire, aptitudes à coopérer, à converser. Nous sommes sur un autre terrain que celui des batailles pour une demi-heure de plus de telle ou telle discipline scolaire, mais bien dans l’indispensable débat que l’humanité doit conduire pour s’outiller afin d’habiter le monde de manière responsable.
“On ne peut espérer d’une éducation qu’elle soit résiliente qu’à la condition de préciser ses finalités et les moyens qui lui sont affectés.”
Comment, dans un contexte incertain, de crises anxiogènes, de dérèglement climatique, construire des alternatives concrètes et positives ?
Par l’engagement ! Et c’est ce qui se passe déjà, trop invisible encore et marginal sans doute. Mais nous savons bien que « l’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse ». Quand des enfants sont invités à habiter autrement leur école, leur village, leur quartier afin d’y vivre mieux en rejetant moins de CO2, ils en témoignent. Quand une junior association organise son « festi-street » de manière éco-responsable, elle agit. Quand une commune met à disposition une « ère terrestre » pour que le collège en fasse une « zone naturelle protégée », ce sont tous les habitants qui sont sensibilisés.
Mais l’engagement ne suffit pas sauf à être celui qui pousse et accompagne l’action publique. Car l’urgence impose des politiques publiques d’une autre ampleur que celles d’aujourd’hui, nationales, européennes, internationales et territoriales pour faire face aux quatre dimensions de l’urgence écologique : dérèglements climatiques, atteintes à la biodiversité, empoisonnements chimiques et raréfaction des ressources. C’est la fonction des engagements collectifs. C’est celle de Solidarité Laïque et de ses membres, à l’heure où l’urgence écologique se combine avec l’éradication de la pauvreté et l’émancipation solidaire comme finalité de toute éducation démocratique.
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