Pourquoi l’éducation des filles est un vrai problème en Haïti ?
En raison de la situation économique, beaucoup de filles en Haïti ne peuvent pas continuer d’aller à l’école et sont obligées de travailler à 14-15 ans pour subvenir aux besoins de leur famille. Nombre d’entre elles tombent dans la prostitution. L’un des obstacles majeurs à la scolarisation des filles, ce sont les grossesses prématurées. Dans les écoles publiques on n’accepte pas les filles qui ont été enceintes. De plus, il existe plus de lycées de garçons que de lycées de filles. On voit que le système scolaire favorise davantage la scolarisation des garçons. Cela rend les filles et les femmes plus vulnérables dans la société : moins éduquées, elles sont plus durement frappées par le chômage et accèdent moins aux emplois qualifiés.
Qu’est ce qui t’engage personnellement pour l’éducation des filles ?
A l’Université, j’étais la seule femme dans ma section Histoire-Géographie. Avec des femmes d’autres sections on s’est réunies pour réfléchir à cette thématique qui nous touchait particulièrement. On souhaitait que plus de femmes aient accès à l’université. Cela m’a poussé à m’engager dans ce combat avec le syndicat.
Quelles actions as-tu mis en place pour améliorer l’accès des filles à l’éducation ?
Dans le cadre du programme PROCEDH dont Solidarité Laïque est chef de file, nous avons mis en place plusieurs projets avec des dizaines d’acteurs pour améliorer l’accès des filles à la scolarisation et éviter la déperdition scolaire. Au niveau national, c’est plus difficile mais on arrive à agir à faire bouger les lignes au niveau local. C’est un début.
Nous avons créé des groupes de sensibilisation dans les lycées pour faire de l’éducation à la santé, aborder les questions tabous comme les moyens contraceptifs. C’est un petit pas mais une grande satisfaction si l’une d’entre elle est sensibilisée.
Il y a eu également un projet pour lutter contre les préjugés et faire en sorte que les femmes envisagent plus de métiers masculins.
Suite au tremblement de terre en Haïti, j’ai lancé pour ma part un groupe d’accompagnement de 22 filles issues de milieux défavorisés qui n’étaient pas allées à l’école. On leur a permis de retourner à l’école et on les suit maintenant depuis plus de 15 ans. On travaille ensemble l’estime de soi, les problèmes de genre dans la société haïtienne. Pour leurs amies du quartier, ces jeunes filles sont devenues des profs, elles donnent des conseils. Lorsque j’ai entendu cela, j’ai eu le réel sentiment que j’avais réussi à faire quelque chose.