Alors qu’il y a toujours 8,8 millions de pauvres en France, ce plan était très attendu. En effet, plusieurs signaux négatifs avaient été envoyés ces derniers mois (baisse des APL, quasi suppression des contrats aidés…), les mesures annoncées ce jeudi laissent pourtant espérer un changement d’orientation.
Petite enfance, formation professionnelle, accompagnement social… des mesures pour lutter contre la pauvreté
Pour lutter contre les déterminismes sociaux, la stratégie décline plusieurs mesures donnant la priorité à la petite enfance. Le plan pauvreté présenté par le Président de la République ambitionne notamment d’améliorer les modalités de garde. L’objectif d’ouvrir 30 000 places supplémentaires en crèche permettra à des enfants de milieux défavorisés d’intégrer une crèche, garantie d’une plus grande mixité et donc d’émancipation sociale. Par ailleurs, un fond d’innovation sociale de 100 millions d’euros est prévu pour réformer la formation des éducateurs de la petite enfance et faciliter la diffusion de nouvelles méthodes d’apprentissage.
Nous saluons le rappel par le Président de la République que la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes nécessite une approche globale en raison de l’indivisibilité des droits fondamentaux de l’enfant. Les mesures annoncées pour une meilleure alimentation des enfants et des jeunes vont dans ce sens et mériteront sans doute un débat sur les modalités.
Nous sommes également sensibles aux annonces concernant les jeunes majeurs sortant de la protection de l’enfance. Le passage à la majorité est un moment critique pour tous, mais l’est d’autant plus pour les mineurs pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. Pour pallier cette grande vulnérabilité, la stratégie insiste sur l’obligation d’étendre le contrat jeune majeur à 21 ans. Si ce soutien lors de l’entrée dans l’âge adulte est la garantie contre le basculement dans la précarité, nous restons vigilants quant aux moyens budgétaires et humains qui seront alloués à cet accompagnement.
Centrale dans les mesures de cette stratégie, la formation des jeunes deviendra obligatoire jusqu’à 18 ans à partir de 2020. Pour y parvenir, le Président de la République a annoncé un renforcement de la lutte contre le décrochage scolaire : repérage de façon continue, rôle accru des missions locales, meilleure formation des personnes chargées de l’orientation.. Sont particulièrement ciblés les quartiers difficiles, dans lesquels les stages en entreprise seront facilités. Le chômage frappant de plein fouet les jeunes des quartiers prioritaires, favoriser la formation des jeunes mais aussi des accompagnateurs et personnes relais nous semble fondamental.
Parmi les mesures annoncées de lutte contre le chômage, certaines ont retenu notre attention. Face aux inégalités de suivi des chômeurs dans les territoires, un service public de l’insertion sera par exemple créé. Ce “guichet unique” a maintes fois été initié et jusque là jamais concrétisé. Les « territoires zéro chômeurs longue durée » auront vocation à se développer. Solidarité Laïque souhaite qu’une attention particulière soit portée aux territoires ultramarins, Mayotte notamment où le taux de chômage est de 26%.
Par ailleurs, le président a annoncé une profonde réforme des minima sociaux avec la création, par une loi en 2020, d’un revenu universel d’activité. Il fusionnera le plus grand nombre possible de prestations sociales, du RSA aux APL, en passant par l’allocation adulte handicapé.
Le système du “maquis des aides sociales” est si complexe qu’un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA sont en situation de non recours aux droits. C’est donc une mesure que Solidarité Laïque suivra avec intérêt. Les contours de ce revenu universel d’activité sont encore à définir mais on sait d’ores et déjà qu’il sera soumis à des droits et des devoirs, par exemple l’engagement du bénéficiaire dans la recherche active d’emploi. Le caractère conditionnel de cette aide nous questionne.
Des points de vigilance : une stratégie globale à revoir
En dépit de ces orientations favorables, ces annonces interviennent un an après des mesures qui ont touché les plus fragiles : baisse des APL, quasi suppression des contrats aidés, baisse des crédits pour le logement social. Il faut relever le paradoxe entre l’affichage d’une volonté d’éradiquer la pauvreté et la mise en oeuvre de politiques qui contribuent à creuser les inégalités. Ces choix politiques remettent à terme en cause notre modèle social.
Faut-il le rappeler : 8,8 millions de personnes vivent actuellement en France sous le seuil de pauvreté. Un français sur cinq a du mal à s’alimenter correctement (baromètre Ispsos-Secours populaire).
Ces nouvelles mesures pourront-elles enrayer une pauvreté en constante progression ? Nous pouvons légitimement nous interroger. Symboliquement, 8 milliards d’euros sur 4 ans correspondent à 62 centimes par jour et par personne, si l’on prend en compte les 8,8 millions de personnes concernées par la pauvreté en France. Solidarité Laïque restera vigilante à ce que le Projet de Loi de Finances voté en fin d’année permettra à ces mesures d’être mises en oeuvre. Ce changement de cap appelle en effet à la prudence concernant les moyens humains et financiers qui seront déployés par la suite. Il faut également noter que certaines catégories de la population sont absentes de ce plan : mineurs isolés, personnes âgées, alors que l’on sait que ce sont les plus touchées par la pauvreté et par conséquent par l’exclusion
L’accent mis par Emmanuel Macron sur l’idée de “redevabilité” des personnes dans le besoin interpelle également. L’idée de rendre responsable les individus de leur situation précaire, c’est ignorer l’importance du contexte social. Le rapport de l’OCDE le constate : il faudrait, en France, six générations pour qu’un descendant de famille pauvre atteigne le revenu moyen Français.
La pauvreté n’est pas la résultante des choix d’un individu !
Monsieur, le Président, n’oubliez personne, dites aux premiers de cordée de ne pas oublier les derniers de cordée !
Solidarité Laïque lutte contre les exclusions et améliore l’accès de toutes et tous à une éducation de qualité. Depuis 2013, Solidarité Laïque co-coordonne le collectif AEDE, qui rassemble plus de 50 organisations actives dans tous les domaines de l’enfance : éducation, santé, accompagnement des parents, justice…