Dans ce pays où l’économie informelle est omniprésente, des mesures de lutte contre le coronavirus telles qu’elles existent en Europe sont difficilement envisageables : la nécessité d’aller travailler chaque jour pour se nourrir, la promiscuité des logements ainsi que la liberté donnée aux imams de laisser ouverts les lieux de culte rendent le confinement très complexe à mettre en œuvre. Le 19 avril, le gouvernement a même maintenu les élections législatives « Faute de communication et de prévention, la menace ne paraît pas réelle pour la plupart des citoyens maliens, déplore Mariam Sidibé, directrice d’un centre éducatif à Bamako. Les écoles sont quant à elles fermées jusqu’au 9 mai. Au centre Jigiya Bon nous avons revu l’organisation pour continuer à protéger les jeunes filles qui ne peuvent plus s’y rendre. » Chassées du Nord Mali par les conflits, orphelines ou en grande précarité, ces jeunes filles hébergées et éduquées dans le centre étudient pour préparer leur avenir.
« Il faut continuer à assurer la sécurité des jeunes filles même en période de crise sanitaire. »
« Le coronavirus n’a pas arrêté les mariages forcés et les risques auxquels sont exposés les jeunes filles, explique-t-elle. Il faut continuer à assurer la sécurité des jeunes filles même en période de crise sanitaire. » Grâce à une équipe de trois éducateurs et trois stagiaires, des réponses éducatives adaptées ont pu être trouvées afin qu’elles n’abandonnent pas leur projet d’émancipation tout en faisant barrière contre le coronavirus. “Partout dans le pays, on observe que si les filles n’ont plus le droit d’aller à l’école, ce n’est pas pour autant qu’elles sont dispensées des travaux ménagers, c’est même une opportunité pour les plus réactionnaires qui s’opposent ici à la scolarisation des filles. Pour nous, il est prioritaire que cette rupture scolaire n’interrompe pas les efforts que les jeunes et les éducateurs mettent en œuvre depuis des années.”
Au centre, la sensibilisation avait en effet démarré bien en amont. « Dès l’apparition des premiers cas en Chine, nous avons commencé à en parler avec les filles, raconte Lassina Coulibaly, l’un des éducateurs. Cela leur a permis de bien prendre conscience du danger. Les filles sont désormais formées aux gestes barrières qu’elles appliquent quotidiennement. »
« Si une fille tombait malade, il serait très compliqué de contrôler la contamination »
Face à la menace représentée par le coronavirus, la directrice du Centre s’est également résolue à interdire les visites : « Les filles sont appelées à rester au maximum à l’intérieur. Si l’une d’elle est amenée à sortir, elle a l’obligation de porter un masque. » Mais c’est également tout le programme éducatif qui a dû être réadapté : « Nous avons réorganisé l’espace : durant la journée les filles se répartissent le plus possible, jouent à un mètre les unes des autres et se lavent les mains régulièrement. Grâce au roulement des éducateurs, les filles sont rassurées et bien encadrées, mais il ne faudrait pas que l’une d’elle vienne à tomber malade. Il serait très compliqué de contrôler la contamination. »
« Comment assurer la continuité pédagogique dans de pareilles conditions ? »
Mais ce qui inquiète également Mariam Sidibé, c’est leur avenir. L’éducation joue un rôle crucial dans l’émancipation des jeunes filles. Dans un pays où la grande majorité de la population n’a pas accès à internet ou à un ordinateur, l’enseignement à distance est impossible. « Le gouvernement a mis en place une chaîne de télévision éducative. Les éducateurs tentent de la regarder avec elles, mais le contenu n’est pas suffisant. Elles ont donc tendance à se décourager. Certaines d’entre elles passent le bac cette année, mais personne ne sait si cela va pouvoir se faire. Comment assurer la continuité pédagogique dans de pareilles conditions ? »
En 2016 Safy Nebbou avait réalisé un film sur le Centre Jigiya Bon :
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- https://www.solidarite-laique.org/informe/lafrique-face-a-la-pandemie/
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