La grande Histoire de France n’est pas faite que de victoires et de fiertés. Longtemps invisibilisée dans les discours officiels, dans les familles des descendant.e.s et dans les manuels scolaires, l’histoire de l’esclavage a une place légitime et essentielle dans les salles de classe.
Découvrez ci-dessous notre sélection de ressources pédagogiques, pour aborder la traite, l’esclavage et les abolitions avec des écolier.e.s, collégien.ne.s et lycéen.ne.s.
Esclavage – origines, abolitions et reconnaissance
L’esclavage est un système socio-économique qui repose sur l’exploitation d’êtres humains, qui ne fonctionne que sous la contrainte et par la violence.
Dès l’Antiquité, il apparaît en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. À partir du 16ème siècle, l’esclavage prend une ampleur mondiale et devient un système social et économique, fondé sur l’exploitation de centaines de millions d’êtres humains d’Afrique, de l’Océan Indien et des Amériques.
Justifié à l’époque par des impératifs économiques, des arguments racialistes et légitimé par des politiques d’États auxquelles la France a abondamment pris part, l’esclavage a conduit à la mise en place d’une société coloniale, qui a perduré même après son abolition définitive en 1848.
Encore aujourd’hui, les stéréotypes et préjugés racistes (discriminations, colorisme, communautarisme…) se nourrissent de l’histoire coloniale et de l’esclavage.
Mieux vaut tard que jamais, la France est le premier pays à avoir officiellement reconnu l’esclavage et la traite comme crimes contre l’humanité avec la “Loi Taubira”, adoptée au Sénat le 10 mai 2001. Depuis 2006, ce jour est consacré comme la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions.
La République française reconnaît que la traite négrière […] et l’esclavage, perpétrés […] contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité.
Article 1 de la loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité dite “loi Taubira”
“Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent.”
Article 2 de la loi Taubira
Des ressources pédagogiques pour aborder l’esclavage avec vos élèves ou groupes de jeunes
L’histoire coloniale explique-t-elle certains racismes ?
Témoignage de Benjamin Stora, Président du conseil d’orientation de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration et inspecteur général de l’Éducation nationale, contre le racisme et l’antisémitisme.
Fin de cycle 4 et lycée / à partir de 14 ans.
Vidéo de 4’22 minutes
Lumni
Je suis un enfant de partout
50 poèmes qui, en parcourant les continents, parlent d’égalité malgré les différences culturelles et invitent à imaginer un monde plus fraternel.
Cycles 1 et 2 / de 5 à 8 ans
Recueil de 44 pages
Éditions Rue du monde
Moi, Tituba sorcière.
Femme, noire et sorcière, l’existence de Tituba se heurte violemment au puritanisme du 17ème siècle, dans une société esclavagiste.
Communauté éducative et lycée / à partir de 16 ans
Livre de 288 pages
Maryse Condé
Vingt-décembre : Chroniques de l’abolition
Bande-dessinée sur l’histoire vraie d’Edmond Albius qui découvrit à 12 ans le procédé de fécondation de la vanille et sur le jour de l’abolition de l’esclavage à la Réunion.
À partir du cycle 4 (13 ans)
Éditions Dargaud
Faire l’histoire – Mémoires d’un esclave, Oluale Kossola
L’historienne Cécile Vidal retrace l’histoire de la traite négrière à travers la trajectoire de Oluale Kossola, arraché à ses terres africaines et réduit en esclavage en Amérique.
Cycle 4 et lycée / à partir de 12 ans.
Vidéo de 16 minutes
Arte
Tu es belle
Échanges entre une mère et sa fille autour des cheveux crépus, l’estime de soi et la confiance en soi.
Cycle 1, début de cycle 2 / de 3 à 6 ans
Album de 32 pages
Mélanie Hardim, éditions Orphie
Sauvages, au coeur des zoos humains
Grâce au travail d’historiens et à la volonté des descendant.e.s de ces exhibé.e.s involontaires, ce documentaire restitue le phénomène des exhibitions ethnographiques dans leur contexte historique, de l’émergence à l’essor des grands empires coloniaux.
Communauté éducative et lycée / à partir de 16 ans
Documentaire de 92 minutes
Bruno Victor-Pujebet et Pascal Blanchard, Arte
Au bord de la rivière cane
Aux États-Unis, du 19ème siècle à aujourd’hui, quatre générations de femmes noires s’évertuent à lutter contre la fatalité pour élever leurs enfants dans l’espoir de la liberté et de l’émancipation.
Communauté éducative et lycée / à partir de 16 ans
Livre de 592 pages
Lalita Tademy, éditions Charleston
Décolonisations : le discours colonial
Analyse des ressorts de la domination imposée par la France sur les colonies et les colonisé.e.s, notamment à travers le discours colonial.
Fin de cycle 4 et lycée / à partir de 14 ans.
Vidéo de 5’51 minutes
France TV
Colonisation & propagande
Exposition de 13 panneaux (200 x 100 cm)
Fin de cycle 4 / 13 ans
Disponible en prêt auprès de Solidarité Laïque (retrait dans nos locaux)
ACHAC, avec le soutien de l’ANCT, de la DILCRAH, et en partenariat avec les éditions Le Cherche Midi.
Au nom de nos ancêtres, esclaves et négociants
À travers les vies de leurs ancêtres, deux femmes – l’une descendante d’esclaves, l’autre descendante de négriers – redonnent une âme aux statistiques de la traite transatlantique et braquent le projecteur sur un passé sombre pour mieux éclairer l’avenir.
Communauté éducative et lycée / à partir de 16 ans
Documentaire de 92 minutes
Aurélie Bambuck, France Télévisions
Glossaire du parcours de sensibilisation à la lutte contre le racisme
Discrimination, stéréotype, catégorisation, stigmatisation, essentialisation, assignation identitaire, ethnocentrisme, altérité… Des définitions simples pour identifier et dénoncer les atteintes à caractère raciste.
Communauté éducative et jeunes à partir du cycle 4 / 12 ans
Yakamédia (CEMEA)
Vivre libres ou mourir – portraits de femmes et d’hommes qui se sont battus pour la liberté, la décolonisation et la déségrégation
Toussaint Louverture (≈ 1743-1803)
Chef de file de la libération d’Haïti
Né esclave sur l’île d’Hispaniola (Haïti et République Dominicaine), Toussaint Louverture est affranchi en 1776 et parvient à s’élever socialement au point d’acheter des terres et de posséder lui-même des esclaves.
En 1791, il se rallie aux esclaves qui se révoltent. Considéré comme un stratège militaire hors pair, il gravit rapidement les échelons, rédige la Constitution affirmant l’autonomie de l’île et entreprend la « Révolution haïtienne ».
Il est finalement arrêté par Napoléon Bonaparte et envoyé en prison dans le Doubs où il mourra en 1803.
Si son parcours est assez contrasté, Toussaint Louverture a contribué à poser les fondements de la première révolte d’esclaves réussie, qui conduira à l’indépendance de l’île.
Sanité Belair (1781-1805)
Héroïne de la Révolution haïtienne
Sanité Belair a été officière de l’armée d’Haïti menée par Toussaint Louverture pendant la Révolution haïtienne.
Lorsque Napoléon Bonaparte envoie des troupes pour rétablir l’autorité de la France sur Haïti et restaurer l’esclavage qui avait été aboli en 1794, elle participe à l’insurrection menée par les insurgé.e.s haïtien.ne.s. Emprisonnée, elle est jugée et condamnée à être exécutée le 5 octobre 1802.
Aujourd’hui, Sanité Belair est considérée comme une héroïne de la Révolution haïtienne ayant mené à l’indépendance d’Haïti en 1804. Son portrait figure notamment sur les billets de 10 gourdes.
Flore Gaillard
( ? – 1797)
D’esclave rebelle à chef de guérilla intrépide
Esclave sur une plantation de Sainte-Lucie, île des Antilles anglaises, Flore Gaillard se révolte et devient cheffe des « Brigands », groupe rebelle composé d’esclaves partis en marronnage, de libres de couleur, d’affranchis, et de partisans de la Révolution française luttant contre la mainmise des propriétaires de plantations.
En 1794, après la première abolition de l’esclavage dans les colonies françaises (dont Sainte-Lucie), son groupe rebelle contribue à repousser l’armée britannique qui tentait de s’emparer de l’île. Les Britanniques reprennent finalement Sainte-Lucie en 1797 et Flore Gaillard est exécutée.
Longtemps oubliée, son histoire a été remise en lumière par Edouard Glissant, dans son roman “Ormerod” (2003). Elle est désormais reconnue comme une héroïne nationale à Sainte-Lucie. .
Ida B. Wells-Barnett
(1862-1931)
Pionnière de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis
Née esclave dans le Mississipi, puis affranchie, Ida B. Wells-Barnett devient institutrice, puis agente de probation, militante pour le droit de vote des femmes aux États-Unis et enfin journaliste d’investigation.
En 1884, 71 ans avant Rosa Parks, elle refuse de céder sa place dans le train à une personne de couleur blanche et intente un procès à la compagnie de train.
Militante pour les droits civiques, elle a mené un important travail de recherche sur l’ampleur des lynchages aux États-Unis.
Paulette Nardal
(1896-1985)
Initiatrice du mouvement littéraire et culturel de la Négritude
Première femme noire à étudier à l’Université de la Sorbonne à Paris, Paulette Nardal développe avec ses deux sœurs les thèses à partir desquelles qu’Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas diffusent le concept de Négritude, qui revendique l’identité noire.
Le rôle des sœurs Nardal, intellectuelles et avant-gardistes à l’origine de ce concept, est reconnu depuis quelques années.
Maryse Condé
(1934-2024)
Militante de la mémoire de l’abolition de l’esclavage
Écrivaine, journaliste et professeure de lettres Guadeloupéenne, Maryse Condé a acquis une renommée internationale grâce à la trentaine de romans qu’elle a écrit tels que Moi Tituba, sorcière.
Engagée contre le colonialisme, elle a beaucoup œuvré pour que la mémoire de l’esclavage soit enseignée et transmise.
Elle a été la première présidente du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage (2004-2009), qui deviendra en 2019 la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage.
Des lieux de mémoire pour sorties scolaires ou visites virtuelles
Mémorial de l’abolition
de l’esclavage
Visites pour les groupes scolaires et ressources pédagogiques à destination de la communauté éducative sur l’espace pédagogique dédié.
Nantes
Maison de la Négritude
et des Droits de l’Homme
Créé par un historien local, ce musée revient sur le cahier de doléances réclamant l’abolition de l’esclavage adressé par les habitants de Champagney au roi de France le 19 mars 1789.
Champagney (Haute-Saône)
Mémorial ACTe
Le premier musée français entièrement dédié à la mémoire de l’esclavage.
Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)
Fondation pour la Mémoire
de l’Esclavage
Cette fondation recense les lieux de mémoire et d’histoire (musées, statues, sites historiques…) liés à l’esclavage en France et dans les Outre-Mer.
Hôtel de la Marine (Paris)
Musée national de
l’histoire de l’immigration
L’histoire du Palais remonte à l’Exposition internationale de 1931. Sa vocation première était d’abriter un musée des colonies, devant représenter l’histoire de la conquête coloniale. Depuis 2007, le musée est dédié à l’histoire et aux cultures de l’immigration en France.
Palais de la Porte Dorée (Paris)
“Code noir”, “traite”, “abolitionniste”… Expliquer les mots pour comprendre l’histoire
Esclave
Personne qui n’est pas de condition libre. La personne appartient à un propriétaire exerçant sur elle un pouvoir absolu.
Considéré comme un bien mobilier, l’esclave peut être vendu et séparé de sa famille . Il est contraint d’effectuer tous les travaux que son propriétaire exige de lui.
Affranchi
Esclave rendu libre, qui n’est plus considéré comme un bien appartenant à un maître.
Libre de couleur
Nom donné aux personnes noires ou métisses nées de parents affranchis, ou alors nées libres.
Les libres de couleur avaient accès à l’éducation et pouvaient s’élever socialement. Plusieurs sont même devenus propriétaires de plantations avec des esclaves.
Pour autant, on les considérait toujours comme étant inférieurs aux personnes de couleur blanche.
Abolitionniste
Un individu partisan de l’abolition de l’esclavage et en faveur de la liberté pour les esclaves.
Anti-esclavagiste
Si un abolitionniste était forcément anti-esclavagiste, un anti-esclavagiste ne faisait que condamner moralement l’esclavage comme système économique et social, mais ne proposait pas de modèle pour abolir l’esclavage, ni envisager le type de société une fois l’esclavage supprimé.
Code noir
C’est un recueil d’une soixantaine d’articles promulgués en 1685 sous le règne de Louis XIV.
Il rassemble toutes les dispositions réglant la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises des Antilles et de Guyane. Il a servi de modèle à d’autres règlements utilisés dans d’autres colonies européennes.
Nègre-Marron / Marron
Nom donné à l’esclave fuyant la plantation dans les colonies françaises. Les marrons incarnent la lutte et la résistance pour la liberté.
Marronnage
Fuite des esclaves quittant la plantation. L’esclave en fuite était poursuivi par des chasseurs de marrons.
Lorsqu’il était capturé, l’esclave était condamné à subir les punitions prévues par le Code Noir allant du marquage au fer lors de la première fuite, à la mort après une troisième fuite.
Les esclaves n’ayant pas été rattrapés ont créé des communautés dans les forêts et les sommets.
Mulâtre, mulâtresse
Terme qui était utilisé pour désigner une personne métisse, issue le plus souvent d’une union entre un père blanc et une mère noire.
Leur statut social dans les colonies était plus enviable que celui des noirs (qu’ils soient esclaves ou libres), mais pour autant, les mulâtres restaient “inférieurs” aux blancs.
Aujourd’hui, ce terme peut être utilisé dans le contexte historique, mais est très péjoratif dans le vocabulaire courant.
Traite des Noir.e.s ou traite transatlantique
La traite des Noirs est le nom donné au commerce d’esclaves noirs. Elle concerne la déportation de plus de 12 millions d’Africains vers le continent américain entre le 16ème siècle et le 19ème siècle.
Réduits en esclavage, les Africains étaient répartis entre le Brésil et les Caraïbes (dont les Antilles) pour la majorité ainsi qu’en Amérique du Sud et en Amérique du Nord.
Société coloniale
Organisation de la vie sociale dans les territoires colonisés où une main d’œuvre réduite à l’état d’esclavage est utilisée pour l’exploitation des ressources minières et agricoles (tabac, bananes, cacao, vanille…).
La société est divisée entre colons blancs, propriétaires de plantations, les esclaves, les libres de couleur et les affranchis.
Bien que les unions entre noirs et blancs soient interdites, des castes correspondant aux différents métissages apparaissent et se fondent sur le « préjugé de couleur » pour se différencier des autres.
Amérindiens
Ce terme générique employé pour parler des populations originellement présentes en Amérique du Sud et dans les Caraïbes cache la très grande diversité de ces peuples autochtones.
Nombre de ces peuples ont été décimés avec l’arrivée des Européens dès le 15ème siècle.
Des communautés autochtones sont parvenues à se maintenir et revendiquent aujourd’hui leurs cultures et leurs langues dans le patrimoine caribéen.
Sources
- Fondation pour la mémoire de l’esclavage
- Mémorial de l’abolition de l’esclavage, Les abolitions de l’esclavage, Marcel Dorigny, Éditions Que sais-je ?, 2018.
- Les Antilles et la Guyane en 365 dates, Laura Manne, Éditions Caraïbéditions, 2015.