Lorsque Hanène Saïdani parle de l’école, c’est avec beaucoup de tristesse. Elle a été obligée de la quitter à l’âge de 12 ans pour accompagner sa grand-mère et vendre des poteries sur le bord de la route. Le prix de ces objets défiait toute concurrence, prix de vente : l’équivalent d’1 centime d’euro. Aînée d’une fratrie de 5 enfants, Hanène avait également la responsabilité d’aider sa mère à élever ses frères et sœurs. En souvenir de cette expérience, Hanène souhaite offrir un autre avenir à ses enfants, à commencer par une éducation. Dans un environnement où les établissements scolaires ne couvrent pas les zones d’habitations reculées, elle a fait le choix de louer un appartement en centre-ville, près de l’école, pour en faciliter l’accès à ses enfants.
Sur ce chemin de l’émancipation, la rencontre avec les acteurs du programme Soyons actifs, actives a été décisive. Hanène a été mise en relation avec le Club culturel Ali Belhouane et une trentaine d’autres femmes pour suivre une formation en poterie artisanale. Résultats : plus de lien social, augmentation de ses revenus et scolarisation de ses enfants.
La solidarité, un chemin pour s’autonomiser
« Dans cette région au Nord de la Tunisie, conservatrice, les femmes sont souvent recluses chez elles tout en portant la responsabilité de nourrir leur famille, explique Kulthum Laoufi, chargée suivi des projets Nord et Grand Tunis pour le programme Soyons actifs, actives, un programme soutenu par l’Agence française du développement et piloté par Solidarité Laïque. Elles travaillent beaucoup pour très peu d’argent, n’ont pas de protection sociale, pas de salaire. A quoi s’ajoutent l’isolement, la pauvreté et un fort taux de décrochage scolaire pour les enfants dans cette région rurale. »
Formation, éducation, émancipation
Il y a un 18 mois, Hanène a intégré un cycle de formation. Objectif : mieux valoriser le patrimoine artisanal de la région, reconnu par l’Unesco, diversifier les productions et améliorer le circuit de commercialisation des poteries. Des formations en design ont été dispensées, mais aussi une initiation à la lecture des symboles berbères gravés sur les poteries. « Une partie de ces femmes sont analphabètes, ça a été une révélation pour elles », souligne Kulthum Laoufi. A la fin de cet accompagnement, des discussions avec les pouvoirs publics ont été engagées en vue d’organiser des foires annuelles à Sejnen et d’ouvrir un lieu d’exposition.
Déjà, les résultats sont là : la municipalité organise une foire artisanale annuelle, les acheteurs tunisiens et étrangers sont plus nombreux. « Et grâce à la mise à disposition de bus, les femmes ont participé à des foires dans la capitale et dans plusieurs villes de la Tunisie et ont ainsi augmenté leurs revenus », souligne Kulthum Laoufi.
Voyager, c’est possible ?
Dernier événement en date, Hanène est partie pour Lyon en compagnie d’autres Tunisiennes. Elle a exploré le marché social et solidaire et noué des partenariats commerciaux. « Jamais je n’aurais imaginé voyager, explique Hanène. Ces rencontres avec des Françaises qui ont fondé des coopératives artisanales, la visite de la galerie d’art « Terre d’Art » gérée de façon participative et équitable m’ont montré qu’il y a avait des choses à inventer. Non seulement j’ai élargi mon horizon mais en plus nous allons pouvoir augmenter nos revenus, mettre un peu d’argent côté. C’est une sécurité, pour moi mais aussi pour mes enfants qui n’aurons pas à abandonner l’école. » Une perspective dont voilà seulement deux ans elle n’aurait pas osé rêver.
En savoir plus sur le programme Soyons actifs actives : http://actives-actifs.org/about-fr/