Pour nous, le droit à l’éducation recouvre aussi le droit d’apprendre dans sa propre langue. Il s’agit de garantir de bonnes conditions d’apprentissage (comment on apprend) et des contenus de qualité (ce que l’on apprend).
La langue d’apprentissage est un facteur de qualité.
Pourtant, 40% de la population mondiale ne bénéficie pas d’un enseignement dans une langue qu’elle parle ou comprend. De nombreuses réformes éducatives à travers le monde ont « forcé » l’apprentissage en langue officielle, affaiblissant les compétences des élèves, renforçant les échecs et abandons scolaires.
Ces discriminations liées aux pratiques linguistiques peuvent entraîner d’autres inégalités, tant à l’école que dans la société en général.
L’éducation plurilingue, fondée sur les langues maternelles, reste l’exception dans nombre de régions du monde. À Madagascar par exemple (Rentrée Solidaire 2023), l’enseignement passe du malgache au primaire, puis au français à partir du collège, alors que 83% de la population ne parle que le malgache. À Mayotte, île française multiculturelle et multilingue (shimaoré, kibushi, shindzuani, shingazidja, shimwali, arabe…), certains enfants ne « découvrent » le français qu’à leur entrée à l’école.
Les préjugés dont sont victimes les langues nationales et le manque de formation des enseignant.e.s en enseignement bi-plurilingue font partie des facteurs expliquant ces blocages.
Pourtant, c’est prouvé : les programmes et méthodologies d’alphabétisation sont plus efficaces pour les apprenant.e.s lorsqu’ils.elles sont bilingues et adaptés au contexte des apprenant.e.s.
Cela leur permet de se sentir davantage en confiance et respecté.e.s dans leur culture, de prendre plus facilement la parole et de s’appuyer sur leurs connaissances en langue maternelle pour acquérir de nouveaux savoirs dans d’autres langues et dans d’autres matières.
Notre projet « J’apprends si je comprends », la formation en enseignement bilingue en Haïti, notre choix de l’écriture inclusive, des témoignages de professeur.e.s français et moldaves…
Découvrez toutes les actualités de notre Lettre dédiée aux langues et langages.
Partout, nous cultivons la diversité des langues et des langages pour plus d’ouverture sur le monde.
En Haïti, nos supports pédagogiques sont 100% bilingues (créole/français), 100% inclusifs. En Moldavie, avec notre Délégation départementale du Cher, des enseignantes améliorent la qualité de leur enseignement grâce au bilinguisme (moldave/français). À Saint-Martin, nous soutenons le Festival « Langues et cultures ». Avec plus de 120 nationalités sur l’île, les activités s’y déroulent en créole, français, anglais, espagnol et portugais.
Préserver la diversité linguistique, c’est aussi lutter contre l’hégémonie culturelle et l’uniformatisation éducative, c’est contribuer à la préservation du patrimoine culturel, au respect des différences et donc à la paix.
Sur le même sujet, (re)découvrez notre article « Lorsque des langues meurent, c’est la diversité culturelle internationale qui est menacée. »
Dans nos territoires d’intervention, la langue d’enseignement n’est pas toujours la plus parlée, ce qui peut provoquer des ruptures éducatives et culturelles.
Frantz Fanon disait « parler une langue, c’est adopter un monde, une culture ». Mais dans certains contextes, le français, moyen de communication entre des populations de langues maternelles différentes, revêt des airs de « langue du colonisateur » et de « langue d’élite », reléguant les langues locales/nationales au statut de dialectes. Le français est aussi souvent considéré comme une langue de modernisme et de connexion avec le monde, tandis que les langues nationales sont associées au passé, cantonnées dans la ruralité et le « traditionnel ».
En Afrique de l’Ouest notamment, peu de systèmes scolaires publics adoptent un biplurilinguisme qui prend réellement en compte les langues nationales des élèves et des enseignant.e.s. Au Cameroun par exemple où les deux langues officielles sont le français et l’anglais, les 256 langues nationales sont absentes de l’école et des services administratifs. Même dans des pays où une langue nationale joue un rôle véhiculaire comme le wolof au Sénégal, le bambara au Mali ou le lingala en RDC, le français reste la seule langue officielle.