Comment imaginer qu’un enfant de 6 ou 7 ans puisse apprendre à lire et écrire quand la langue utilisée en classe lui est inconnue ? Cette situation serait une réalité pour 4 enfants sur 10 dans le monde. Cette journée internationale de la langue maternelle met en lumière cet enjeu fondamental de l’éducation pour tous. Elle commémore la triste date du 21 février 2000 où des étudiants ont été tués par la police à Dacca parce qu’ils manifestaient pour que leur langue maternelle, le bengali, obtienne le statut de « deuxième langue nationale ». Rappelons l’importance de la prise en compte de l’enseignement dans la langue maternelle des enfants pour relever le défi de l’éducation pour tous.
Le cas emblématique de l’Afrique francophone subsaharienne
En Afrique francophone subsaharienne, la plupart des écoles proposent un enseignement dispensé exclusivement en français, y compris à destination des enfants qui parlent d’autres langues dans leur famille ou dans leur environnement proche. Ce fonctionnement a des conséquences désastreuses sur la qualité de l’enseignement – de nombreux enseignants ne maîtrisent pas eux-même la langue dans laquelle ils doivent enseigner – mais aussi sur le développement de l’enfant. Comment imaginer en effet qu’un enfant puisse s’épanouir à l’école alors qu’il n’a pas la possibilité de parler de lui, de ses expériences, de ses goûts ou de ses sentiments ?
60% des enfants ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux
Cette non prise en compte du multilinguisme dans les systèmes éducatifs explique en partie le fait que « 2 enfants sur 6 abandonnent l’école avant la fin de la deuxième année sans aucune compétence de base en lecture-écriture » et que « plus de 60% des enfants ne maîtrisent pas les premiers apprentissages en fin de primaire »( SOURCE : synthèse du séminaire de Dakar consacré à l’amélioration des premiers apprentissages en Afrique -(2016).
L’utilisation exclusive du français en classe dans les pays francophones plurilingues est un frein à l’apprentissage. Ce constat n’est pas récent. En 1974 déjà, au Sénégal, le président poète Léopold L. Senghor exigeait la mise en place d’expérimentations bilingues « langue nationale-français » à l’école primaire. Comme au Sénégal, dans toute la zone d’Afrique francophone, des projets pilotes « langue nationale-français » favorisent une approche multilingue dans l’apprentissage. Ils ont pour objectif, comme l’explique Abdou Diouf dans un premier temps d’ “installer confortablement l’enfant dans sa langue maternelle “ pour l’ouvrir ensuite à d’autres langues. C’est ce porte le projet ELAN , Ecole et langues nationales en Afrique, de l’Organisation internationale de la Francophonie, qui vise à promouvoir l’usage conjoint des langues africaines et de la langue française dans l’enseignement primaire. Malheureusement, de nombreux obstacles politiques, idéologiques et sociaux freinent le déploiement de ces projets. Les enfants alphabétisés dans une des langues de leur milieu restent hélas une minorité.
Le multilinguisme, levier d’une éducation de qualité
Solidarité Laïque, en lien avec ses partenaires locaux, milite et agit pour une reconnaissance de l’identité multiculturelle et multilingue de chaque enfant, condition de l’accès à un enseignement de qualité. Ainsi, au Burkina Faso, 750 jeunes de 16 à 35 ans apprendront cette année à lire, à écrire et à compter dans leur langue maternelle et en français, langue officielle au Burkina Faso. Cette technique d’apprentissage qui favorise le multilinguisme leur permettra de mieux assimiler les connaissances mais aussi de s’épanouir dans leur identité multiculturelle. Cette action est cofinancée par l’Agence Française de Développement et menée par Solidarité Laïque avec ses partenaires, Bibliothèque Sans Frontières, le RODEB , les équipes de la RAMAA et les Ministères sectoriels en charge de l’alphabétisation, la jeunesse, la femme, l’emploi et la formation professionnelle.
Il ne suffit pas d’aller à l’école pour être éduqué. Il faut bénéficier d’un enseignement de qualité. C’est à cela que contribue Solidarité Laïque.