La presse fait état de vives tensions au Sri Lanka depuis les attentats. Comment analysez-vous la situation ?
Après les attentats qui ont visé églises et hôtels de luxe et fait 320 morts, les gens essaient de revivre normalement mais les attentats ont laissé de profondes cicatrices. Beaucoup des gens ont perdu un membre de leur famille et une grande partie de la population vit dans la peur : peur que ces attentats recommencent… Les musulmans, quant à eux ont peur des représailles. Ils représentent 10% de la population. En effet, ces attentats perpétrés par une minorité ont gravement affecté l’image de la communauté musulmane toute entière. Les médias participent à cette stigmatisation. Les forces de l’ordre recherchent et contrôlent les musulmans sans raison particulière. Cette situation a des répercussions sur leurs conditions de vie, leurs activités quotidiennes, commerciales, leur droit de pratiquer leur culte… c’est très compliqué. C’est une vraie blessure alors que pendant 10 ans, les différentes communautés ont vécu en paix.
En effet, le Sri Lanka a connu une guerre civile qui a duré 26 ans et s’est arrêtée en 2009. Ces attentats représentent-ils une nouvelle menace pour la stabilité de ce pays ?
Il y a une grande diversité dans ce pays : 2/3 de la population est cinghalaise, avec une majorité de bouddhiste. 1/3 de la population est tamoul avec une majorité hindouiste. Il y a 10% de musulmans et une minorité chrétienne. Cette unité dans la diversité que nous avions atteinte ensemble demandera de nouveaux efforts pour être préservée. Et bien sûr ces tensions présentent une menace pour la stabilité du pays. A l’image de la France, les attentats sont toujours le prétexte à des manipulations électorales. Dans un contexte politique tendu, un an avant les prochaines élections présidentielles, ces évènements sont utilisés à des fins politiques par une infime partie de la population qui veut remettre en cause l’unité du pays.
Comment peut-on agir pour préserver l’unité ?
Pour renforcer le dialogue entre les communautés, il faut organiser des rencontres, des discussions entre les leaders religieux, les politiciens, les jeunes… Les activités que nous allons organiser prochainement grâce à l’appel à don de Solidarité Laïque vont permettre notamment aux enseignants et aux élèves de dialoguer dans le cadre de l’école. Ils vont organiser des rencontres entre des enseignants et élèves aux origines diverses. Il est très important dès le plus jeune âge de déconstruire les idées reçues, de favoriser la compréhension mutuelle. L’éducation a un rôle déterminant pour favoriser l’émergence d’une paix durable dans ce pays meurtri.
Pour aller plus loin :
Cinq choses à savoir sur les musulmans du Sri Lanka : une présence millénaire, RFI, 24 avril 2019