Précarité, pauvreté, analphabétisme… Dix ans après la révolution tunisienne, le constat est rude dans cette région reculée de la Tunisie, à Jendouba, où les difficultés sociales, l’absence d’emploi et le décrochage scolaire se cumulent, laissant place à une crise de confiance envers les institutions démocratiques. Liberté de conscience et place de la femme sont notamment remises en question dans un contexte de plus en plus tendu qui touche désormais aussi l’école publique : des familles préfèrent la délaisser au profit des écoles coraniques.
Des clubs de citoyenneté pour lutter contre l’extrémisme
C’est pour résister à ce recul des principes qui ont guidé la révolution tunisienne et retrouver le chemin du dialogue que l’association ADEJE se mobilise aujourd’hui. Grâce au financement du programme Soyons actifs actives dont elle est membre, elle intervient dans deux écoles à travers des “clubs éducatifs et environnementaux”. 500 élèves, parents d’élèves et enseignants sont invités tout au long de l’année à participer à des débats sur les droits fondamentaux et le respect de l’environnement. L’objectif est affirmé d’emblée : soutenir la capacité à penser par soi-même et à dialoguer, donner des outils pour déconstruire les stéréotypes et les théories complotistes que nourrissent l’absence d’éducation et la souffrance sociale.
Accepter le débat contradictoire
“Nous nous appuyons sur une pédagogie qui favorise la coopération, l’entraide et la libre expression, explique Faycel Mediouni, le Président d’ADEJE. Le système éducatif tunisien n’est pas encore très rodé avec ces pratiques pédagogiques, mais cette approche de l’éducation est essentielle pour éduquer à la citoyenneté la nouvelle génération. Dans une démocratie, encore plus quand on sort d’un système politique autoritaire, on doit apprendre à écouter l’autre, à se faire son propre point de vue sans pour autant recourir à la violence. C’est toute la raison d’être de ces clubs.»
Pour le Président du programme “Soyons actifs actives”, Ahmed Galaï, membre de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme et prix Nobel de la paix, ce projet est aligné avec ce qui inspire le programme depuis maintenant 8 ans : « Depuis la Révolution, nous cherchons à bâtir un Etat de droit juste et respectueux de chacun et chacune, dans le respect de l’article 6 de la constitution tunisienne. Pour cela, il y a deux leviers : lutter contre les inégalités et éduquer à cette liberté de conscience fondamentale qui nous vient tout droit des Lumières, la capacité de penser par soi-même et de construire ensemble malgré les différences de points de vue. »
Extrait de la constitution tunisienne de 2014
« L’État protège la religion, garantit la liberté de croyance, de conscience et de l’exercice des cultes. Il assure la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l’exploitation partisane. L’État s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance et à protéger le sacré et empêcher qu’on y porte atteinte. Il s’engage également à prohiber et empêcher les accusations d’apostasie, ainsi que l’incitation à la haine et à la violence et à les juguler »
Article 6 de la constitution tunisienne de 2014