A Madagascar, 1 enfant sur 4 ne va pas à l’école, 3 sur 4 décrochent quand ils arrivent au collège et 1 jeune sur 50 étudie dans le supérieur. Derrière ces chiffres, ce sont des vies à peine écloses qui sont brisées dans leur élan, des esprits qui n’ont pas la possibilité de se délier ni de se projeter pour sortir de la misère, bâtir des projets pour soi, sa famille, son pays. Et, tout simplement, des enfances volées.
A 10 ans, casser des briques dans une carrière
Car que font les enfants quand ils ne vont pas à l’école ? « Ils travaillent aux champs pour aider leurs parents, mais aussi dans les carrières ou dans des fabriques de briques, explique Laurette. Des parents viennent ainsi supplier les entreprises d’employer leurs jeunes enfants dont ils ne peuvent assurer la scolarité. A 8 ou 10 ans, et pour des années, ils casseront des cailloux ou transporteront sur leur tête des kilos de briques. » Pas besoin de préciser que leur espérance de vie s’en trouve déjà diminuée.
Perdre la curiosité et l’espérance
« Ce qui va leur manquer, poursuit Laurette, c’est ce temps précieux de l’enfance, du jeu, de l’insouciance mais aussi de la nourriture pour cette curiosité naturelle qui va peu à peu s’éteindre. Tout enfant a soif d’apprendre, de découvrir ! Il pose des questions, s’interroge sur la marche du monde, des plantes, des relations humaines… et c’est à l’école qu’il peut trouver des réponses, surtout quand les parents, souvent analphabètes, consacrent tout leur temps à trouver les ressources pour nourrir leur famille. »
Ne pas avoir les moyens d’imaginer et de construire une autre vie
L’éducation, facteur d’émancipation ? « Ce ne sont donc pas de vains mots, reprend Laurette. A Madagascar, cela signifie des milliers d’enfants qui n’auront pas les moyens d’imaginer un autre avenir que celui de leurs parents. Alors que s’ils sont allés à l’école, même si le taux de chômage avoisine plus de la moitié de la population, ils trouveront les idées pour créer une activité, générer des revenus ou organiser la solidarité entre les habitants. Leur vision sera plus large et leur capacité de faire changer les choses bien plus grandes. »
Une première étape : bâtir des salles de classe
C’est en vivant quotidiennement ces situations dramatiques que Laurette et sa famille, puis les voisins, suivis rapidement par les communautés paysannes et les parents d’élèves, que dans le bourg de Fenoarivo, décision a été prise de construire de nouvelles salles de classe. Depuis 2012, ce sont ainsi 8 salles et une bibliothèque qui se sont ouvertes, auxquelles s’ajoutent quatre salles de classe louées et payées par les contributions des parents. Cette action, cofinancée par Solidarité Laïque, répond au manque crucial d’infrastructures scolaires dans le pays et a permet aujourd’hui d’accueillir 800 élèves.
4 candidatures pour une place
« Les listes d’attente pour l’inscription dans les lycées publics sont longues, il n’y a pas assez de places pour tout le monde, en gros 4 candidatures pour 1 place au lycée, explique Laurette. Seuls les meilleurs élèves et ceux dont les parents peuvent payer leurs cotisations (y compris pour le public) peuvent y accéder. » La bibliothèque, dont la construction sera prochainement achevée, accueillera ceux qui n’ont pas été acceptés. Ils pourront venir lire et étudier en attendant d’avoir une place au lycée.
« Nous sommes fiers de ce que nous avons réalisé. Les gens ont relevé les manches, ils sont venus aider sur le chantier pour limiter les frais, l’Etat a suivi ainsi que la commune, tout cela met en œuvre une dynamique, conclut Laurette. Mais on est très très loin du compte ! Ils sont encore trop nombreux à décrocher. Qui accepterait de bonne grâce que son enfant aille travailler à 10 ans sur un chantier, ou que son jeune ne puisse aller jusqu’au bac alors qu’il en a les moyens et qu’il a fourni les efforts nécessaires ? »
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