Quels sont les leviers d’action pour que les droits des enfants soient mieux pris en compte ?
Malgré des progrès réels, la spécificité des droits des enfants est encore insuffisamment prise en compte. Un des moyens de les faire mieux connaître serait que chaque loi votée concernant les enfants et plus largement la famille, fasse l’objet d’une lecture systématique au travers du prisme des droits de l’enfant. La clé réside aussi dans l’information, la sensibilisation et la formation de tous les acteurs qui travaillent au contact des enfants car le changement passe par une éducation des enfants et les jeunes à leurs droits.La Convention des Droits de l’enfantdevrait ainsi faire l’objet d’une information systématique, au même titre que le 119, à l’école, bien sûr mais aussi dans les centres de loisirs, les clubs de sport et dans tous les lieux fréquentés par les jeunes. En matière de participation des enfants aux décisions qui les concernent, des instances comme les Eclaireurs, les Francas, les Céméa, la Ligue de l’enseignement ou la FCPE sont depuis longtemps des précurseurs.
Les organisations de la société civile qui agissent auprès des enfants ont donc un rôle important à jouer ?
Les organisations d’éducation populaire et les associations ont en effet un rôle fondamental car ce sont elles qui peuvent informer les enfants sur leurs droits et mettre en pratique cette dimension participative. Elles sont aussi de formidables moteurs d’action et d’innovation dans les quartiers, à l’école, dans les loisirs. Cela fait d’elles des observateurs de premier plan qui sont au contact direct avec les familles et les enfants. En ceci, elles sont -ou devraient être- des interlocuteurs de choix pour les pouvoirs publics. En tant que Défenseure des enfants, j’ai ainsi besoin du repérage qu’elles font au quotidien. Sans leurs signalements par exemple, nous n’aurions pas eu connaissance de la présence d’enfants dans les centres de rétention et n’aurions donc pu intervenir pour mettre un terme à ces situations.
Pensez-vous que le dialogue entre l’Etat et les organisations de la société civile est suffisant ?
Il doit être renforcé et cela passe par la création d’espaces, de lieux et de temps de rencontres plus nombreux qui faciliteront les échanges. Mais il faut aussi que les pouvoirs publics soient conscients de la nécessité de laisser plus de place à l’innovation, ce que la procédure d’appels à projets peut rendre plus difficile.
Qu’attendez-vous du nouveau collectif AEDE (Agir Ensemble pour les Droits de l’Enfant) qui prépare son rapport alternatif sur l’application de la CIDE en France ?
La création de l’AEDE en 2013 est tout d’abord un message fort envoyé aux politiques : la société civile s’organise, nécessitant de la part des décideurs publics une plus grande pris en compte des travaux et des observations de celle-ci. L’action de ce collectif coordonné par Solidarité Laïque et DEI-France qui couvre un large spectre d’organisations, permettra aussi de sortir d’une approche quelque peu restrictive de la Convention, qui se limite bien souvent au seul examen des droits primaires et à la protection de l’enfance. Or, la dimension participative doit elle aussi gagner du terrain.
25 ans après la signature de la CIDE, y a-t-il eu des progrès ?
La signature par la France en 1989 a donné un véritable élan à la défense des droits de l’enfant, notamment par la traduction en droit positif. C’est ainsi que le Code civil mentionne désormais la possibilité pour l’enfant, dès lors qu’il est capable de discernement, de demander à être entendu par le juge et que la loi du 5 mars 2007 a placé l’intérêt de l’enfant au cœur du dispositif de protection de l’enfance (article 1). La création du Défenseur des Enfants en 2000, puis du Défenseur des droits en 2011, qui dispose de pouvoirs accrus, notamment en matière d’investigation, a constitué un important levier d’action.