Localement, au plus près des jeunes, ils sont des milliers à être témoins de la crise éducative sans précédent que nous traversons. Avec 168 millions d’enfants qui n’ont pas pris le chemin de l’école pendant un an, les conséquences de la pandémie sur l’éducation dans le monde sont sans précédent. Du Burkina Faso à la France en passant par la Tunisie, donnons la voix à celles et ceux qui voient et vivent cette crise au quotidien.
Enseigner malgré les crises et l’insécurité
Didier est enseignant d’une classe de CM2 au Burkina Faso. Enseignant depuis 17 ans, il est venu à l’enseignement par vocation. “J’aime vraiment ce que je fais et je le fais avec beaucoup de passion. Ce sentiment de satisfaction que je ressens lorsque je rencontre d’anciens élèves qui sont maintenant dans la vie active et qui ont réussi, est indescriptible.”
Néanmoins, malgré une passion pour son métier et la volonté de partager et transmettre son savoir aux générations futures, Didier est conscient que la crise sanitaire et le contexte sécuritaire de son pays fragilisent l’accès à l’éducation. “Malgré la crise sécuritaire qui sévit en ce moment dans notre localité, nous avons peur mais cela ne nous empêche pas de faire notre travail. Nous enseignons certes dans la peur, mais nous ne devons pas baisser les bras. »
Au début de la pandémie en mars 2020, la localité de Djibo où enseigne Didier a demandé la fermeture des écoles, pour finalement réouvrir uniquement aux élèves de CM2 un mois plus tard. Ils ont été les seuls à bénéficier d’une continuité pédagogique dans leur cursus, afin de pouvoir préparer le Certificat d’étude primaire élémentaire (C.E.P.E) de fin d’année. Cependant, ce mois sans suivi éducatif a tout de même impacté le niveau de ses élèves,et leurs résultats à l’examen du C.E.PE : cette année, 4 élèves sur 46 ont échoué, comparativement aux années précédentes où le taux de réussite était de 100 %.
Pour les élèves des autres niveaux, cela a été une vraie rupture éducative. « Dans notre localité, les cours à distance ne sont même pas envisageables, nous manquons de matériels, nous ne sommes pas formés à cela. Quoique cela pourrait nous aider, car nous enseignons dans la peur tous les jours. L’enseignement à distance pourrait être une solution pour la continuité éducative dans les zones à risques comme la nôtre. ».
Solidarité Laïque, par ses actions en Afrique de l’Ouest, s’engage pour assurer la continuité éducative de toutes et tous et accompagner l’autonomisation des jeunes et des femmes par la formation professionnelle.
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Des Laboratoires d’Innovation Sociale pour favoriser l’entraide communautaire
En Afrique de l’Ouest, les Laboratoires d’Innovation Sociale permettent à des jeunes en situation de précarité d’être accompagnés dans leur formation professionnelle et leur autonomisation.
Au LABIS de Ouagadougou, les jeunes sont accompagnés dans leur projet professionnel, mais sont aussi acteurs de l’autonomisation et de l’éducation de leur pays. Comme Nicole, qui est devenue volontaire par le biais du LABIS pour sensibiliser aux mesures d’hygiène au début de la pandémie de COVID-19, l’éducation passe également par la sensibilisation, les missions de bénévolat et l’entraide communautaire. Par le biais d’un partenariat avec le Programme National de Volontariat Burkinabé (PNVB), ce sont 10 bénéficiaires du LABIS qui se sont engagés comme volontaires pour des missions diverses:
- l’appui à la gestion des centres d’appel au numéro vert 3535,
- l’appui aux Equipes d’Intervention Rapide (EIR),
- l’appui à la gestion des patients,
- l’appui à la commission de communication,
- la sensibilisation sur les mesures d’hygiène et de prévention de la maladie au profit des femmes et jeunes filles dans les infrastructures marchandes,
- la sensibilisation sur les mesures d’hygiène et de prévention de la maladie dans les lieux publics, quartiers et villages dans toutes les communes du Burkina Faso.
Au LABIS d’Abidjan, les jeunes ont eu l’opportunité de participer à des formations sur l’entrepreneuriat ou sur le numérique comme outil de citoyenneté. Ces formations permettent de pallier au manque d’infrastructures éducatives et socio-éducatives des grandes zones périurbaines d’Afrique de l’Ouest, tout en offrant des perspectives d’avenir à ces jeunes.
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En Tunisie, agir localement pour changer les politiques publiques
Hela Nafti, vice-présidente de Solidarité Laïque Tunisie, alerte sur la crise mondiale de l’éducation, fortement exacerbée depuis le début de la pandémie de COVID-19.
En Tunisie, la fermeture des écoles a entraîné une rupture éducative, et le manque de prise de décisions de la part des politiques n’a fait que témoigner de ce phénomène.
Localement, il a fallu agir pour pallier à cette situation inédite, qui a démontré le manque d’infrastructures numériques et de moyens pour soutenir les enseignants et les élèves. Ainsi, des formations à destination des enseignants ont été dispensées, pour former à la pédagogie de l’enseignement à distance. Cela a permis de favoriser l’efficacité du travail des enseignants, et tout en répondant aux besoins éducatifs des jeunes.
Cependant, la crise mondiale de l’éducation est toujours présente, et ne pourra se résoudre sans une participation forte des gouvernements, et un changement des politiques publiques. Avec un effort local, Hela Nafti espère attirer l’œil des politiques pour les inciter à prendre davantage en considération la rupture éducative causée par la pandémie, et les effets socio-économiques à long terme.
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En France, des lacunes éducatives dues à la pandémie
Lorsque le confinement a commencé en mars 2020, Agnès, enseignante pour des CP-CE1 en Normandie, a dû adapter ses méthodes de travail afin d’assurer une continuité pédagogique qui soit à la fois cohérente par rapport au programme de l’année, et adaptée aux parents qui devaient également s’habituer à un nouveau rythme de travail. Selon Agnès, dans un premier temps, les familles se sont plutôt bien investies dans l’accompagnement de la scolarisation à la maison de leurs enfants.
Néanmoins, l’enseignante a constaté une baisse de motivation à la suite des vacances de Pâques: en cause, l’incertitude liée à la pandémie associée à des situations de télétravail parfois délicates à gérer. “Les parents comme les enfants ont commencé à trouver le temps long. À cet âge-là, sans la stimulation des copains, il est difficile de se concentrer à distance”, explique Agnès.
Il a donc fallu innover dans l’enseignement afin de ne pas perdre l’attention des élèves, et s’assurer de l’assimilation des connaissances de manière ludique: par l’intermédiaire de certaines activités, Agnès a essayé de maintenir un lien entre les élèves, même à distance. Avec la création de livres numériques collaboratifs, les élèves ont pu écouter les enregistrements audio et découvrir les créations artistiques de leurs camarades.
À la rentrée 2020, Agnès a remarqué une véritable différence avec l’année précédente: en classe, elle a observé que les enfants n’avaient plus la posture attendue d’un élève. L’enseignement à distance depuis le mois de mars 2020, associé aux vacances d’été, ont entraîné une certaine “perte” des règles de vie collective (notamment en termes d’écoute). N’ayant pas pu bénéficier des apprentissages de l’écriture habituellement dispensés en fin de grande section, les nouveaux CP ont souffert de lacunes qu’il a fallu rattraper.
Sur son expérience en tant qu’enseignante en pleine pandémie, Agnès explique avoir eu un peu le sentiment de devoir se débrouiller comme elle pouvait. Bien que des personnes ressources en informatique étaient disponibles en cas de besoin, elle évoque notamment que les outils du CNED n’étaient pas nécessairement adaptés, ou trop décalés par rapport à à l’avancée de la classe dans le programme, ou encore la manière d’enseigner.
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